Mon médecin préféré
Publié le 20 Avril 2015
J’éprouve beaucoup de difficultés pour écrire sur la maladie l’hôpital et des médecins, thème du dernier défi des croqueurs de mots qui tombe très mal pour moi en ce moment une de mes petites filles étant malade et ma belle-mère âgée étant hospitalisée pour une fracture du fémur. Au diable la maladie, j’ai décidé de vous parler de mon médecin préféré : notre fille Laurence.
Quand elle était petite elle voulait être présidente de la république ou premier ministre ce qui me faisait beaucoup rire puis en grandissant elle s’est rendu compte de l’utopie de cette vocation. En sortant du lycée avec son bac avec une mention très honorable, elle nous a dit qu’elle souhaitait s’inscrire en première année de Médecine à Paris. Ces professeurs ont tout fait pour essayer de la décourager en lui disant que c’était très difficile, que le numérus-clausus entraînait un concours en fin de première année et qu’il y avait peu d’élus. Ils lui conseillaient, vu ses notes, de s’inscrire en prépa pour ensuite rentrer dans une grande école de commerce ou d’ingénieurs sauf qu’elle ne voulait pas être ingénieur, encore moins faire du commerce ou de la gestion. Il faut savoir que les lycées forgent leur réputation sur le nombre de lycéens intégrant les classes préparatoires !!!
Forte de notre soutien elle a résisté. Pendant la première année de médecine elle a travaillé avec acharnement en sacrifiant tout loisir. Nous la soutenions en silence comme nous pouvions en croyant fortement qu’elle allait réussir. Les résultats du concours blancs étaient encourageants. Une de nos belles sœurs qui est professeur dans une faculté de médecine en les voyant lui a dit « ce sont des résultats corrects Laurence, tu as toutes les chances de redoubler pour l’avoir l’année prochaine » ce qui a failli la décourager. Nous lui avons dit que nous croyions en elle et que nous étions persuadés qu’elle allait réussir cette année. Elle a redoublé d’effort. Le concours est arrivé, elle était malade d’angoisse le matin. Nous l’avons emmené à Vincennes sur le lieu de l’examen. L’attente du résultat fut éprouvante. Il est enfin tombé : bonne nouvelle elle était dans les 840 reçus mais se situant à une dizaine de places du dernier, elle avait peu de chance d’être acceptée en médecine mais elle pouvait au moins l’être en dentaire. Il fallait attendre le choix des 830 étudiants placés avant elle. Elle n’y croyait plus et s’apprêtait à redoubler pour tenter médecine l’année prochaine, la perspective de soigner les dentitions ne l’intéressant aucunement. Encore une semaine d’attente angoissante puis, le soulagement. Elle était l’avant-dernière à être acceptée en médecine. Les années d’externat ont été difficiles pour elle : Une jeunesse à travailler sans aucun loisir. Elle a passé avec succès le concours de l’internat et, étant bien placée, a pu choisir la spécialité de son choix la gastro-entérologie. Encore quelques années difficiles d’internat avec les cours, les gardes à l’hôpital, la préparation de la thèse. Quelle fierté pour nous d’assister à la présentation de sa thèse devant des professeurs de l’université. Ce jour-là fut l’un des plus émouvants et plus beaux de notre vie. Il faut savoir aussi que petite je rêvais d’être médecin mais c’était une utopie à mon époque surtout quand on avait des parents comme les miens qui n’avaient pas d’argent et ne tenaient pas en grande estime les médecins pour des raisons personnelles sur lesquelles je ne m’attarderai pas. C’est à eux pourtant que j’ai pensé ce jour-là et à mes grands-mères qui auraient été très heureux de la réussite de leur petite et arrière-petite-fille.
Elle a décidé ensuite de consacrer sa carrière à la médecine hospitalière qui convenait mieux à sa personnalité, à son goût pour la recherche que la médecine de ville en cabinet. C’est son choix parfois difficile quand on a trois petite filles car à l’hôpital il n’y a pas d’horaires, on peut travailler, le jour, la nuit, les week-ends pour un salaire somme toute modeste ramené au temps de travail hebdomadaire. Ce n'est pas facile d'être maman et médecin car je peux vous assurer qu'on angoisse encore beaucoup plus quand on a un enfant malade, imaginant toutes les complications qui peuvent se présenter.
Je voulais te dire Laurence que Papa et moi nous sommes fiers de toi.
Nous sommes fiers aussi de toi Grégorie, de ta réussite en tant qu’ingénieur même si nous te voyons plus. Nous ne t’oublions pas et si un jour tu as envie de revenir vers nous, sache que tu seras toujours le bienvenu.
Martine / Avril 2015