Fabrice ou "dans un autre monde"
Publié le 4 Mai 2016
Dans la maison endormie, la cloche a sonné. Fabrice caresse le genou de claire et lui murmure à l’oreille « bonjour ma loute,» et quelques mots d’amour, confidences trop intimes pour être dévoilées ici. La discrète Claire encore endormie, lui adresse un joli sourire timide. Un début prometteur pour cette journée de vacances d’été à la campagne. Fabrice se lève, ouvre la fenêtre et les volets. Un air si pur et chaud éveille ses sens. Il entend le chant d’un oiseau, c’est une alouette des champs qui s’envole en criant mécontente d’avoir été dérangée. Fabrice se met à chanter une comptine de son enfance qu’il connait par cœur « alouette, gentille alouette, alouette je te plumerai, je te plumerai la tête ». Un rouge-gorge picore le gazon. Le fermier voisin, Alceste, à bicyclette passe sur le chemin de l’autre côté de la chaîne qui sert de clôture. Il s’arrête quelques instants le temps de le saluer d’un geste de la main et de lui dire le sempiternel « Bonjour comment ça va, il fait beau aujourd’hui ». Fabrice lui sourit et lui souhaite une bonne journée. « Tout ça pour ça » pense Fabrice mais curieusement ces riens du tout, ici à la campagne, lui font chaud au cœur et lui paraissent plus profonds et sincères que les banalités superficielles du beau Monde à Paris dans l’anonymat de la grande ville. Le coût de la vie n’a pas le même sens ici. A la campagne où l’on se jure que rien ne va se passer, tout peut arriver. Il ne faut jurer de rien. Tout est matière à étonnement : Par exemple : la couleur du vent. Vous imaginez que le vent, qui est de l’air, est incolore et bien ici il est de la couleur de ce qu’il transporte, jaune après les moissons quand il soulève les brins de foin coupés, roux à l’automne quand les feuilles virevoltent et dansent enchantant la forêt désenchantée. Il peut même être de toutes les autres couleurs pour le poète qu’est Fabrice.
Les nuits de pleine lune Fabrice aime observer les étoiles et planètes avec le grand télescope qu’il installe au jardin. Il rêve d’une vie ailleurs en observant les planètes Mars, Uranus. Souvent il pense qu’il est un extra-terrestre sur terre. Adulte, Il retrouve ses sensations de gamin. Même les mômes ont du vague à l’âme.
Claire s’approche de lui discrètement et le sort de ses rêveries en lui assénant brutalement un « allez viens prendre ton petit déjeuner et si après nous rentrions à Paris, je m’ennuie ici ». C’est un choc pour Fabrice qui impulsivement lui répond « oh non Claire t’es folle ou quoi » et s’excusant aussitôt d’avoir exprimé ces propos pour éviter la brouille conjugale, pas de scandale surtout, Fabrice est, dans l’intimité, un taiseux, une potiche qui bout à l’intérieur même s’il est exubérant en Société. Il aurait tant aimé relire les pièces de Molière ou Asterix et Obelix installé dans son transat au Soleil de Provence mais Ils rentreront à Paris et, entre deux audiences au tribunal, dans son habit au col d'hermine, il rêvera d’un autre monde.
Martine / Pour les prénoms du Mercredi de Jill Bill (aujourd'hui Fabrice)
Je m’étais donnée comme défi personnel d’écrire un texte qui ait du sens avec 30 titres de la filmographie de Fabrice Luchini et je suis très étonnée d’y être parvenue. La morale de cette histoire, s’il d’oit y en avoir une, c’est que pour progresser et réussir il ne faut pas hésiter à se lancer des défis.
J'ai beaucoup d'admiration pour le grand acteur Fabrice Luchini et pour l'homme d'une grande intelligence, amoureux de la langue française et de la belle littérature. C'est un paradoxe vivant élitiste et populaire, rayonnant et parfois déprimé, excessessif exhubérant dans la forme mais tellement simple dans le fond. On peut l'aimer comme moi ou le haïr mais il ne laisse jamais indifférent
Ci-dessous un interview de Fabrice Luchini par Laurent Delahousse sur son film Genna Bovary