Je suis un homme même si j’ai un prénom plutôt féminin. Mes parents m’ont appelé Fleury. Notre nom de famille étant « de Fontenay », J’aurais pu naître à Fontenay le Fleury et bien non, j’ai poussé mon premier cri dans une clinique de Fontenay aux roses. Les fleurs continueront-elles à me poursuivre ainsi toute ma vie ?
Fleury est un prénom difficile à porter. Quand on est un petit garçon, qui plus est un peu enrobé, on devient vite la risée de ses copains. Certains m’appelaient Fleury michon qui s’est vitre transformé en nichon fleuri. J’ai fini par détester les fleurs et les fuir. Hélas elles m’ont vite rattrapé.
Adolescent je suis devenu rebelle. J’avais les nerfs à fleur de peau. Mon entrée dans la vie d’adulte a été assez mouvementée. Ayant arrêté brutalement mes études et refusant de travailler mes parents m’ont mis à la porte et je me suis retrouvé du jour au lendemain dans la rue.
Depuis un moment j’avais envie de m’engager dans l’armée, mais ne voulant pas mourir surtout la fleur au fusil, j’avais renoncé à ce projet. Mon meilleur copain, Narcisse, m’a fait une fleur en m’hébergeant chez lui, c’était un voyou un peu narcissique ayant une haute opinion de lui-même qui n’arrêtait pas de s’envoyer des fleurs. Comme je lui étais redevable il me fallait le supporter ! Nous manquions d’argent. Ne voulant pas travailler j’ai fait, à ses côtés, mon entrée dans le banditisme. Nous avons cultivé le cannabis dans notre appartement de la cité et revendu cette herbe fleurie une fois séchée. Nous avons braqué plusieurs commerçants du quartier et c’est chez un fleuriste récalcitrant que nous nous sommes fait prendre ensemble bêtement.
Nous avons passé de longs mois dans des prisons franciliennes :
Narcisse qui, lors du procès avait rejeté toute la responsabilité de nos méfaits sur moi-même, a passé 4 ans à Osny (Honni soit qui mal y pense).
De mon côté j’ai été embastillé 3 ans ; devinez où ? À Fleury Mérogis ! Décidément les fleurs ne me quitteront jamais ! Ceci m’a valu les moqueries de mes codétenus, la fine fleur du grand banditisme, alors que je n’étais pour eux qu’un débutant.
Heureusement mon compagnon de cellule était un bleu un peu fleur bleue comme moi et nous nous sommes très bien entendus.
Ayant décidé de me racheter une conduite à la sortie de prison, j’ai poursuivi des études et j’ai passé mon baccalauréat que j’ai obtenu afin de faciliter ma réinsertion à la sortie.
Ne connaissant personne, on ne m'appelait jamais au parloir. J’enviais mon compagnon de cellule qui recevait de nombreuses visites de son épouse et de toute sa famille. Pour garder un contact avec l’extérieur, j’ai accepté qu’une visiteuse de prison vienne me rencontrer.
Quand je l’ai vu entrer dans le parloir la première fois je me suis dit : Pourquoi une si belle jeune femme vient-elle passer du temps dans une prison ? C’était comme couper une jolie fleur et l’enfermer dans un vase où elle allait rapidement s’étioler.
Je lui ai fait part de cette pensée. Elle a semblé amusée par ma réflexion, un sourire sincère a éclairé son visage.
- Je comprends m’a-t-elle rétorqué ! Je ne sais pas si je suis jolie mais je m’appelle fleur ! Les fleurs dans la nature poussent en toute liberté. Les couper délicatement, les associer à d’autres en veillant à composer un bouquet harmonieux en formes et couleurs sublime chacune d’entre elles. Je suis fleuriste et je préfère les fleurs coupées qui me permettent de valoriser chaque fleur en exprimant ma créativité. Je ne m’étiole pas à m’enfermer quelques temps en prison avec des détenus comme vous. Bien au contraire, je m’enrichis à votre contact. Quand on m’a parlé de vous et notamment de votre braquage chez un fleuriste un matin de semaine ce qui n’est pas, vous l’avouerez, le meilleur moment, je me suis dit que c’étaient les fleurs qui vous avait certainement poussé à pénétrer dans cette boutique. En plus vous vous appelez Fleury, ce ne pouvait aucunement être dû au hasard. J’ai tout de suite accepté, Il me plaisait d’aider quelqu’un en difficulté qui aimait les fleurs.
- Vous vous trompez, Je déteste les fleurs qui pourrissent ma vie et ne m’ont jamais porté chance lui répondis-je
Elle sourit et me dit d'une voix très douce :
- Au contraire vous devez les aimer beaucoup pour vous protéger de cet engouement qui est considéré par la Société comme une faiblesse chez un homme. Arrêter de les fuir et elle vous porteront chance Fleury
Fleur avait raison pourquoi chercher à fuir les fleurs, de toutes façons elles me rattrapaient toujours.
Fleur revint souvent pendant ces 3 années. Nous nous apprivoisions mutuellement et échangions sur de nombreux sujets. La date de ma libération approchait et je redoutais la sortie. Je ne verrais plus Fleur.
En ce matin de mai ,quand j’ai franchi la grande porte de la prison, elle était là à m’attendre. Nous ne nous sommes plus quittés.
Nous nous sommes mariés. Je travaille avec plaisir à ses côtés dans sa jolie boutique.