Quartier Pernety Paris 14ème
Publié le 12 Mai 2017
Evy nous demande dans son défi 109 de décrire la ville ou le village de son enfance. J'ai repris pour elle ci-dessous un texte écrit en juillet 2013 qui décrit bien le quartier de mon enfance celui qu'il était il y a 60 ans et celui qu'il est aujourd'hui : Le quartier PERNETY au coeur du 14ème arrondissement
Nous avons tous des lieux qui sont chers à notre cœur, où nous avons vécu enfant.
Plus nous nous en éloignons, plus ils s'ancrent en nous même si nous n'y revenons pas.
Ce n'est pas facile de revenir en arrière, de revoir des lieux dans lesquels on n'est pas revenu depuis des dizaines d'années. Je m'étais jurée de ne jamais revenir à Paris dans le quartier Pernety, j'avais peur d'être submergée par les émotions car ce lieu reste profondément liée à ma grand-mère paternelle avec qui j'y ai vécu mon enfance et qui me manque tant aujourd'hui
Ma fille habite le 15ème (arrondissement où je suis née) à côté de la porte de Vanves. En ce beau mardi de juillet, je promenais ma petite fille Agathe (6 mois) et je ne sais pas ce qui m'a pris, une impulsion soudaine, j'ai emprunté la rue Raymond Losserand et je l'ai remontée jusqu'au métro pernety.Il n'avait pas changé mais c'est normal, les stations de métro font partie de notre patrimoine et on n'y touche pas.
Agathe dormait toujours dans son landau alors j'ai poursuivi ma promenade avec en tête un souvenir de mes promenades au square avec ma grand-mère. Nous nous installions toujours sur le même banc. Je voulais revoir ce square et notre banc
Il y avait toujours un banc à cet endroit, il était occupé par une nounou et la petite fille qu'elle gardait.
Cela m'a fait plaisir de le voir occupé même si à la place de la nounou j'aurais préféré voir une grand mère ou un grand père avec sa petite fille. La vie continue.
J'ai eu envie de demander à cette dame, quand elle aurait terminé sa conversation téléphonique, si elle pouvait me prendre en photo avec ma petite Agathe dans les bras sur ce banc en lui expliquant pourquoi.
Elle était au téléphone (je hais le téléphone mobile). Agathe dormait encore. J'aurais pu attendre. Je suis maladivement timide, alors je me suis éloignée, j'ai fait un tour de parc. Il n'avait pas beaucoup changé. Seuls des immeubles assez hauts avaient poussé comme des champignons autour de cet îlot de verdure. Etrangement je n'étais pas émue, c'était une impression étrange, comme si je ne vivais pas vraiment cet instant.
Je me suis demandée si la Cité Bauer, un petit paradis au cœur de la ville, existait toujours.
J'ai traversé la rue, Elle était encore là avec ses petits jardins "qui sentaient bons le métropolitain" autour de leur jolies petites maisons aux volets colorés. Je n'étais plus à Paris, je ne savais plus où j'étais, c'était comme dans un rêve.
Soudain au bout de la Cité Bauer, J'ai aperçu la rue Boyer-Barret (au fond sur la photo ci-dessous), j'ai progressé lentement en poussant le Landau. Agathe dormait toujours. J'ai ralenti mon allure comme pour repousser la promesse d'une émotion intense
C'était inexorable, à moins de faire demi-tour, je ne pouvais qu'y arriver, revoir ce lieu où j'ai vécu heureuse avec ma grand-mère, mon oasis au coeur d'une vie familiale tourmentée.
Je n'ai pas de photo de la rue BB comme je l'ai toujours appelé mais j'ai trouvé une année à la Foire de Paris une carte postale datant du début du 20ème siècle
La voici aujourd'hui. Elle n'a pas changé depuis mon enfance. Seuls les commerces ont changé et il ya beaucoup plus de voitures.
J'étais triste de voir que beaucoup de commerces étaient fermés. Cette rue est peu passante et les petits commerces de bouche n'ont pas résisté à l'expansion des super-marchés et hyper-marchés.
Dans les années soixante, soixante-dix il y a vait un crémier, un marchand de journaux, une marchande de couleurs ce qui donnait de la vie à cette rue dortoir aujourd'hui. il y reste le boulanger à l'intersection avec la rue Raymond Losserand. Je me rappelle chaque jour j'y allais et je demandais à la vendeuse en lui tendant mes pièces un "petit fendu" bien cuit. Elle me faisait un grand sourire et je ramenais fièrement à ma mamie le pain tout chaud.
Je me suis arrêtée longtemps devant le 3 bis de cette rue. Ma grand mère en était la concierge et j'ai vécu mon enfance dans la minuscule loge au fond de la grande entrée qui donnait sur une cour où il y avait les toilettes. Nous n'avions pas non plus de lavabo, d'eau chaude mais j'étais heureuse. Quand ma grand-mère a pris sa retraite, elle a continué à vivre dans cet immeuble au second, les fenêtres avec les stores au 2ème étage. J'étais émue. J'aurais aimé pouvoir rentrer, voir s'il y a vait toujours un gardien ou une gardienne. Je n'ai pas osé et je n'ai vu personne rentrer ou sortir de l'immeuble
A droite de l'entrée la boutique est à louer, c'était auparavant un café tenu par un couple auvergnat qui vendait également du charbon qu'on mettait dans la cuisinière. Le bougnat et sa femme étaient charmants. Je les aimais beaucoup.
Aujourd'hui la boutique est innoccupée et c'est triste
Agathe dormait toujours quand j'ai quitté le quartier pour revenir à pieds dans le 15ème. Elle avait fait avec moi sans s'en rendre compte un voyage au pays de ses ancêtres. Je suis passée par le parc où je la promène habituellement, elle s'est réveillée en pleine forme toujours souriante comme à son habitude.
Serais-je revenue seule dans ce quartier que j'aime tant ? je ne pense pas. Cette visite spontanée, impulsive était simplement pour moi une façon, en retournant à mes origines avec une de mes petites filles de perpétuer le lien familial. J'espère que j'aurais la force un jour de revenir avec mes trois petites filles ici et de leur raconter ma vie et celle de leur arrière grands parents.
J'espère aussi pouvoir y emmener mes petits fils un jour même si aujourd'hui cela parait fort compromis.... J'ai beaucoup changé, je pensais avant que la famille avait peu d'importance, que c'était une notion un peu dépassée. Je pense qu'inconsciemment, j'ai transmis cela.
C'est quand on devient soi-même grand parent qu'on comprend combien il est important de préserver le lien familial inter-générations pas pour soi-même mais pour nos enfants, petits enfants et les générations à venir.
Peut être aussi pour ceux qui nous ont quitté si, de la haut, ils nous voyaient.