Plus de futur à Hyères
Publié le 2 Avril 2018
C'est une réédition d'une de mes courtes nouvelles écrite en juillet 2014 dont j'ai modifié la fin que je vous propose aujourd'hui pour le défi 203 des croqueurs de mots animé par Laura.
Mes participations aux jeudis en poésie sont toutes deux des créations personnelles inédites écrites spécialement pour ce défi
Plus de futur à Hyères
Dans ma bibliothèque, j’ai trouvé en arrivant ce matin, sur mon bureau, un bouquet de roses pourpres accompagnées d'un bien curieux message dactylographié :
« Ne cherchez pas les livres de Sciences Fiction, je les ai tous volés et pour me faire pardonner je vous offre ce bouquet de roses pourpres. Trouverez-vous Hélène qui je suis parmi les visiteurs qui viendront ce jour en votre bibliothèque d'Hyères ? Si vous me reconnaissez, faites le moi savoir en me disant « Plus de futur à Hyeres» et je vous ferai un cadeau. A Bientôt Mignonne ! ».
Je me suis précipitée vers les rayonnages de la section fantastique et sciences fiction. Ce n’était pas une blague tous les ouvrages avaient effectivement disparu.
Il n’y avait pas eu d’effraction. Qui pouvait posséder une clef de la bibliothèque. J’en avais égaré une il y a une semaine, le voleur avait dû me la dérober dans mon tiroir de bureau à mon insu.
Offrir des roses rouges dans le langage des fleurs est l’aveu d’un amour passionné.
Qui parmi les habitués de la bibliothèque pouvait à la fois me vouer un amour secret et être passionné de Science-Fiction ? Je savais que la réponse à cette question me permettrait de démasquer le voleur amoureux.
Cet acte insensé n’avait peut-être pas de justification. Il pouvait être l’acte d’un dément. Cette dernière hypothèse m’angoissait, ma vie n’était-elle pas en danger ? cet individu ne voulait-il pas me tuer et, ainsi, aussi me voler mon futur ?
Il ne me restait plus qu’à attendre les habitués de la bibliothèque et à être vigilante.
Le premier visiteur fut un jeune gendarme qui venait suite à mon appel téléphonique. Il prit ma déposition et me confisqua le message du voleur. Il repartit bien vite en m’indiquant qu’un de ses collègues viendrait prendre des empreintes. J’eus la conviction que ce vol à la bibliothèque n’avait aucun attrait pour lui et que ce dossier serait vite classé.
Une journaliste du quotidien local, une jolie rousse aux yeux turquoises, lui succéda me posa quelques questions et me prit en photo. Je lui suggérais un titre pour son article « Plus de futur à Hières». Elle éclata de rire et me dit que cela ferait un excellent titre.
Monsieur le Maire, un agriculteur du village à la grande taille et forte corpulence fit ensuite son entrée, solennelle comme à chaque fois. Quel charisme Monsieur le Maire ? Il me fit la bise et se montra rassurant.
- « Ne vous en faites pas Hélène, vous n’êtes pas responsable. Qui aurait pu penser qu’on viendrait dérober une nuit des livres sans valeur dans notre petite bibliothèque ? et puis notre voyou est gentleman, il vous offre des roses pour se faire pardonner. Notre voleur a-t ‘il pris les Barjavel ?
- "Bien sûr Pierre, absolument tous les livres de Sciences Fiction Barjavel compris" lui répondis-je étonnée par sa question".
Il me regarda alors avec un curieux sourire mi amusé, mi ironique qui me déplut en me disant :
- "Dommage Hélène, j’aurais bien relu « une rose au paradis »".
Je me rappelais soudain que Monsieur le Maire ne lisait que les livres de sciences fiction. Il avait un double des clefs de la Bibliothèque. Il voulait soudain relire un roman dont le titre évoque une rose, Curieux. Et si c’était lui notre voleur amoureux ? Serais-je la rose et le paradis serait-il une menace d'un futur ailleurs tout là haut.
Cette pensée subite me fit peur mais bien vite je l’écartais. C’était stupide, Monsieur Le Maire avait lu tous les livres de cette section de la bibliothèque, pourquoi les aurait-il volés ? J’hésitais un moment puis je prononçais la phrase de reconnaissance
- « Plus de futur à Hières Pierre ».
- « Pour le moment seulement Hélène. pour le moment ...Je vais appeler le commandant de la gendarmerie pour que tout soit fait pour retrouver rapidement le coupable. Si nous ne retrouvions pas les livres, nous en achèterons d’autres. Il y aura toujours un futur à Hières Hélène. Peut-on concevoir une vie sans futur.
Et fier de cette dernière sortie hautement philosophique, Il prit congé et sortit.
Plusieurs visiteurs vinrent emprunter des livres. Certains s'étonnèrent que le rayon Science-Fiction soit vide et m'interrogèrent. Je leur appris le vol en ajoutant en souriant "Plus de futur à Hyères". Beaucoup sourirent de ce jeu de mots mais aucun ne me fit de cadeau.
En fin de soirée, J'étais prête à fermer la bibliothèque quand un homme brun élégant d'une quarantaine d'années qui ne faisait pas partie des habitués des lieux et que je n'avais jamais vu auparavant s'approcha de mon bureau, me sourit :
- Bonjour, j'aimerais pouvoir consulter un livre sur place si vous le possédez dans votre bibliothèque.... ". Est-ce possible ?
- Je suis désolée Monsieur mais la bibliothèque va fermer. Revenez demain matin et vous aurez le temps nécessaire pour consulter tous les livres que vous souhaitez.
- C'est très gentil mais Je suis ici aujourd'hui, nul ne sait où je serai demain. Je n'ai qu'une seule page d'un seul livre à consulter, cela me prendra à peine cinq minutes. souhaitez-vous savoir quel livre je souhaite consulter ?
Incroyable, Je ne luis avais même pas demandé quel était ce livre tant j'étais perturbée par la recherche du mystérieux voleur, par l'envie de revenir au plus vite chez moi tant la journée avait été éprouvante et, il faut bien l'avouer, par le charme de ce visiteur du soir.
- Quel est donc ce livre Monsieur ?
- C'est un livre de poésie "les amours" de Ronsard
- Nous en possédons un exemplaire en livre de poche, je vais vous le chercher
Je me dirigeais vers le rayonnage poésie, saisit le livre et le remit à cet homme qui aimait Ronsard, poète pour qui personnellement j'ai une grande admiration.
Il le prit s'installa à une table et le feuilleta. Il s'arrêta sur une page et se mit à lire.... Il semblait songeur.
Je m'approchais de lui doucement
- Monsieur je dois fermer la bibliothèque, j'ai eu une rude journée aujourd'hui on nous a volé tous nos livres de Sciences Fiction. Vous vous rendez compte "Plus de futur à Hières"
- Mais il vous reste le présent, Vivez le intensément sans penser à hier, ni à demain. Vous devriez remercier ce voleur de futur qui je l'espère viendra aussi voler vos livres historiques. Hières sans passé et sans futur, avouez Mignonne que c'est une perspective séduisante.
Brusquement il arracha la page qu'il était en train de lire, prit son stylo plume souligna le titre et quelques vers du poème se leva et partit en chuchotant "au revoir Hélène"
Je restais tétanisée la page du livre à la main, incapable pendant quelques secondes de réagir. Je repris mes esprits : Sur ma feuille un titre souligné "Sonnets pour hélène : Quand vous serez bien vieille" avec quelques vers encadrés
"Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie".
Une sonnerie stridente retentit soudain qui me fit sursauter, je venais de rêver. Dommage je ne saurais jamais si le voleur de futur reviendrait voler le passé d’Hyères car, même si j'en rêve parfois, dans la vraie vie je ne suis pas bibliothécaire.
En prenant mon petit déjeuner, je dépliai le journal que, comme chaque matin, j'avais été chercher rapidement dans ma boîte aux lettres et le titre de la une me sauta aux yeux "Plus de passé à Hyères :vol des livres historiques à la bibliothèque municipale".
Martine / Juillet 2014