Injustice

Publié le 24 Septembre 2018

Après que nous ayons récité comme chaque matin le traditionnel « Notre père » et tout le Saint-Frusquin, l'institutrice s'assied sort de son cartable un paquet de copies. Elle les dépose sur son bureau et dit d'une voix froide : Je vais vous rendre vos rédactions « Racontez votre dernier  Noël ». Comme à chaque fois, elle lit les écrits qui ont obtenu les meilleures notes.  Après avoir lu 2  rédactions, elle me regarde d'un air hautain et sévère, s'empare de ma copie  et débute sa lecture :

 

« Le jour commence à poindre derrière les persiennes de métal rouillé, Je  reste quelques minutes blottie bien au chaud sous la couverture écossaise, j'hésite quelques instants à quitter cette douce quiétude et affronter la fraîcheur matinale de la pièce mais je me  souviens que c'est Noël aujourd'hui. Que vais-je  avoir cette année ? Impatiente de découvrir mon cadeau. Cela fait plusieurs jours que je résiste à la grande envie de fouiller les placards du petit appartement. Je me lève et me  dirige pieds nus sur le plancher froid vers la salle à manger. Au pied du sapin, je repère très vite mon paquet. Une boîte bien rigide recouverte d'un joli papier cadeau vert sur lequel des pères-noël sont imprimés. Je dénoue avec soin  le ruban rouge, enlève le papier et découvre un coffre en bois clair vernis. Que peut-il contenir ?  Je  l'ouvre  religieusement et découvre .... un microscope noir et de nombreuses lamelles de verre. Je n'ose pas y croire, me  frotte les yeux. Serait-ce un rêve, On  m'a offert le microscope dont je rêve depuis longtemps. Je me retourne, Papa se tient là derrière moi, me regarde comme à chaque fois avec tendresse et fierté. Je me précipite dans ses bras, l'embrasse. Je pose le coffret sur la table de la salle à manger et je sors le microscope. Que vais-je pouvoir observer. Papa va chercher une épingle, la nettoie avec de l'alcool et se pique le doigt, il dépose une goutte sur une lamelle de verre, l'étale et la recouvre d'une seconde lamelle. Il place le tout sous l'optique du microscope et me demande de regarder. Tout est flou, je règle la molette et soudain  apparaissent  de nombreuses cellules rondes grises et transparentes. C'est magique et merveilleux. Je prends conscience à ce moment là que nous sommes constitués de cellules et que chacune d'entre elle porte la vie.

Je me souviendrai de ce matin la toute ma vie comme mon meilleur souvenir de Noël »

 

Après avoir terminé la lecture, l'institutrice se lève de son bureau ma copie à la main emprunte l'allée centrale entre les pupitres et se dirige vers moi, elle jette la copie sur mon bureau en éructant :

 

- "Mademoiselle, bien que cette rédaction soit très bien écrite et qu'il n'y ait aucune faute, vous aurez zéro car vous n'avez pas eu un microscope, vous avez menti par vanité"

 

- "Je ne mens pas j'ai bien eu un microscope, comment aurais-je pu échafauder un tel mensonge, je peux l'amener pour vous le prouver".

 

- "Taisez vous immédiatement, vous devriez avoir honte, avouez que vous avez menti comment voulez vous que vos parents qui sont pauvres et qui ne peuvent payer votre scolarité puissent avoir les moyens de vous payer un microscope ? " 

 

Cette dernière phrase me transperce comme une blessure. Je ne sais quoi répondre à cette injuste humiliation publique. Toutes mes camarades me regardent, certaines avec un cruel air moqueur. Je ne pourrai même pas amener le microscope de peur qu'on réclame à mes parents de payer. Je préfère passer pour une menteuse. J'ai honte. Je retiens mes larmes mais je ne baisserai pas les yeux, Papa doit être fière de moi.

Martine / Réédition d'un texte de 2008 légèrement remanié pour le défi des croqueurs de mots ayant pour thème l'injustice. Les mots imposés sont soulignés. Je n'en ai utilisé que 2 sur 3 car je ne connais pas la signification du 3ème "alcades". J'ai cherché sur google mais je n'ai pas bien compris.

Photo Pixabay

Photo Pixabay

Rédigé par Martine.

Publié dans #Vécu

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
I
C'est un très beau texte, qui m'a beaucoup touchée, la justesse des mots, l'émotion tout y est. Merci
Répondre
E
Si c'est une histoire vécue elle est tres triste et cette institutrice meriterait d'aller garder les chèvres dans la montagne comme on dit chez moi :-) plutot qu'enseigner....<br /> bises
Répondre
É
Bonjour Martine. Je me souviens de ton microscope et de cette injustice, très bien racontée
Répondre
Q
L'injustice est criante... et c'est terrible de détruire un enfant comme ça !<br /> Superbe page, Martine.<br /> Passe une douce journée. Bisous.
Répondre
F
Une très belle histoire qui illustre bien ce que peut être une injustice;Un enfant la ressent plus encore qu'un adulte je pense. Bonne soirée
Répondre
D
Histoire poignante. Tu as un talent d'écrivain. Bises
Répondre
M
C’est une excellente histoire, Martine, qui fait naitre un sentiment de révolte contre l'injustice, même chez tes lecteurs.<br /> Bonne soirée,<br /> Mo
Répondre
G
les mots blessent la preune
Répondre
M
Un texte qui méritait une bonne note...<br /> La maîtresse devrait avoir honte de son attitude
Répondre
C
Ah ! Pauvre enfant, hélas !!! Quelle humiliation supplémentaire dans son cas ! Excellente participation, Martine !<br /> Bonne poursuite de ce lundi !<br /> Bisous♥
Répondre
J
Quelle injustice en effet , une maîtresse dépourvue d'empathie et de la plus élémentaire pédagogie .<br /> Bravo Martine pour ce texte <br /> Bonne fin de journée <br /> Bises
Répondre
R
Un bien joli texte vivant et...triste pour cet enfant qu'une maitresse complètement stupide ridiculise...Bisous
Répondre
D
Une sacrée injustice! une institutrice qui n'est pas du tout à la hauteur de son devoir, j'en ai connu 2 de cet acabit!<br /> Bonne journée, bises
Répondre
S
Les mots peuvent faire très mal
Répondre
N
Une maîtresse d'école qui éructe? Oh! la vilaine diablesse que voilà. Il est trop chou ton récit. J'adore!! Gros bisous, Martine et douce journée
Répondre
A
J'en ai connu des maîtresses d'école comme celle ci, je n'ai pas oublié des années après . Très joli texte
Répondre
L
Bonjour Martine. Je crois que je me souviens et ta copie injustement traitée par cette vilaine institutrice méritait bien de s'inscrire dans le défi d'aujourd'hui. Un grand bravo et je frémis de colère à la lecture de ce récit vrai. Gros bisous.
Répondre
M
Une jolie participation, très imagée comme d'habitude. Alcade je l'aurais compris comme un juge, quelqu'un qui décide en tous les cas et qui fait appliquer la loi...non ? il va faloir que moi aussi je cherche sur l'ami google :) bisous et une douce journée
Répondre
J
Bonjour Martine, ah pas que les enfants qui sont méchants entre eux à l'école, les instituteurs/trices peuvent être blessants/tes tout autant... c'est fou !!! Alcades, je l'ai pris dans le sens juges en vieux français... ;-) pas de souci ! Merci aussi, bises de jill
Répondre
Z
Une histoire émouvantes et pour utiliser alcades il aurait fallu que cette histoire se passe en Espagne. Cette maîtresse aurait pu incarner l'alcade : "Juge de paix, dans les pays espagnols". Bises et bon début de semaine
Répondre