La nèfle de la Sainte Foy
Publié le 1 Avril 2019
« A la sainte Foy prends la nèfle si tu la vois »
Dans un grand jardin d’une résidence secondaire de Montpellier, Il y a 25 ans le 6 octobre, jour de la Sainte Foy, je fus cueillie délicatement sur mon arbre par une sympathique et attentionnée jardinière. Elle ne me croqua point pourtant j’étais mûre à cœur et juteuse comme il se doit. Peut-être pensait-elle comme beaucoup que je n’avais aucune saveur. Ma mauvaise réputation m’a certainement sauvée la vie. Elle me déposa dans un petit sac en papier qu’elle referma avec soin et me déposa dans le coffre d’une voiture au milieu de nombreux bagages. Je fis un long voyage dans le noir. J’angoissais : Quel allait être mon sort ? Au bout de longues heures la voiture s’arrêta et ma jardinière ouvrit le coffre et me libéra. Elle me sortit de mon emballage et je vis alors un beau jardin fleuri et arboré bien plus grand que celui où j’avais vu le jour.
Elle me déposa dans un trou qu’elle avait au préalable creusé dans le sol et me recouvrit de terre.
Je n’étais pas encore morte encore: pourquoi m’enterrait-elle vivante ?
J’étais de nouveau dans le noir. Je fus Brusquement mouillée jusqu’au cœur. M’arrosait elle comme une fleur ou bien était-ce une grosse pluie ?Quel triste sort : J’allais mourir noyée et dans l’obscurité la plus totale.
Ce que je croyais être mon agonie fut long et douloureux. Un matin mon noyau se creva, je croyais que c’était la fin mais je sentis comme une poussée légère, je venais de donner naissance à une jolie pousse verte qui se nourrissait de ma chair. Je mourrais heureuse car en donnant la vie, je renaîtrai bientôt.
Je poussais vite, je devins un arbre : un néflier du Japon aux grandes feuilles brillantes et vertes qui faisaient le bonheur été comme hiver de ma jardinière préférée qui m’admirait sans cesse.
L’hiver je donnais de petites fleurs blanches mais pas encore de fruits. Ma jardinière se désespérait chaque année de ne pas avoir de fruits.
J’aurais aimé pouvoir lui en donner mais il faisait trop froid lors de ma floraison. Un jour elle me fit ses adieux et me présenta sa remplaçante en lui disant que son seul regret de quitter ce jardin c’était que je ne lui ai pas donné de fruits. Ma nouvelle propriétaire m’aimait beaucoup et me bichonnait en m’arrosant dès que je m’asséchais. L’hiver suivant fut doux et il ne gela pas quand j’étais en fleurs et celles-ci devinrent de tous petits fruits verts qui prirent vite une teinte orangée et grossirent pour arriver à maturité en fin d’été.
Elle n’arrêtait pas de m’admirer et de me photographier. Seul regret, elle non plus ne goûtât pas à mes fruits même à l’automne le jour de la Sainte Foy.
Je vais encore changer de propriétaire, ma jardinière va me quitter et me fait admirer à de futurs remplaçants potentiels. Elle m’a promis, si mes fruits venaient à maturité avant son départ, de cueillir un de mes fruits pour le planter dans son autre jardin.
Quel sera mon avenir ici ? j’espère que mes nouveaux propriétaires ne me couperont pas
Martine / Mars 2019 pour le Défi 218 des croqueurs de mots animé par Durgalola
NB : Ceci est l'histoire vraie de mon néflier japonais de Cergy qui va me manquer