Les péchés capitaux

Publié le 20 Mai 2019

Pour le défi 220 des croqueurs de mots animé par Zaza, faute de temps à cause de mon déménagement, je me suis permis de rééditer une nouvelle que j'avais écrite en 2015 en en modifiant néanmoins la fin. 

J'espère Zaza que cette nouvelle répondra au thème (écrire un texte zazatesque) même si l'histoire n'est pas réellement déjantée.

Mon poème du deuxième jeudi en poésie le sera lui je te le promets à tel point qu'il pourra te faire perdre la tête, si, si....

LES PÉCHÉS CAPITAUX

Dans son lit Julien entend  les murmures de la ville qui s’éveille soudain après la léthargie du week-end. Il fait un peu froid dans son appartement en ce lundi matin d’automne.  C’est l’heure où il devrait se lever pour aller travailler mais il n’a qu’une seule envie, rester encore dans la douce chaleur de sa couette pour cocooner et paresser. Sa vie peut s’arrêter à tout moment, aujourd’hui il va profiter au maximum des plaisirs qu’elle lui offre « Carpe Diem ». Il n’ira pas travailler. Il téléphonera  à son patron pour l’avertir qu’il est malade. Son patron lui pardonnera d’autant plus que cela ne lui arrive jamais. Il reste au lit une bonne partie de la matinée à sommeiller, rêvasser en imaginant ses collègues dans la folie furieuse et stressante du Centre d’appel « Oh qu’il est doux de ne rien faire » quand tout s’agite autour de vous ».  Il se surprend même à chantonner « le lundi au soleil ».  En fin de matinée,  la faim le sort du lit. Ayant eu la flemme de faire des courses ce week-end, force est de constater que son réfrigérateur et ses placards sont vides, désespérément vides…Plus un seul petit morceau de pain, de beurre ou une lichette de confiture.  Impossible à la cigale qu’il est aujourd’hui d’aller trouver la fourmi sa voisine qui est partie travailler bien entendu.  Tant pis, Il a une forte envie de pâtisserie, de chocolat,  il va déjeuner dehors et se faire plaisir. Il s’habille très vite, sort de chez lui, dévale les marches de l’escalier. Après la pénombre de la cage de l’escalier, la lumière crue de cette belle matinée d’octobre l’éblouit et la rumeur citadine l’étourdit.  Il se dirige vers la pâtisserie / salon de thé proche où le gourmand qu’il est a ses habitudes.

A la porte de la boutique, Un SDF l’interpelle pour lui demander de l’argent ou un ticket restaurant pour déjeuner.  Il pourrait donner une petite pièce au moins mais il est très avare surtout pour les autres.  Il passe devant lui et au lieu de jeter une obole dans le chapeau posé à terre il prend l’homme en photo avec son smartphone. Au fond de lui-même,  peut-être pour se déculpabiliser, il  envie même  ce fainéant qui a la chance de passer ses journées à ne rien faire pendant que lui travaille.  C’est juste de l’envie pas de la jalousie (horrible péché), il n’échangerait tout de même pas sa place avec ce gueux.

Il rentre dans la boutique, La serveuse qui n’est plus toute jeune l’accueille avec un joli sourire. Il commande un grand café bien chaud qu’il accompagne de savoureux petits macarons multicolores.  En attendant d’être servi il poste la photo du SDF sur internet avec comme légende « Péché : La Paresse ». Après avoir avalé ces macarons très vite sans même prendre le temps de les déguster, son envie de sucreries n’étant pas encore assouvie, il commande un saint Honoré et un éclair au chocolat. Avec son smartphone il se prend en photo entrain de croquer dans le saint-honoré et la poste sur facebook avec la légende «Péché : La Gourmandise ».  Après cette boulimie de pâtisserie,  ne risquant plus l’hypoglycémie, il se sent beaucoup mieux.  Avant de héler la serveuse pour payer, il prend en photo les jambes variqueuses de la serveuse qu’il poste sur facebook avec comme légende «Péché : la varice ». Il paye la serveuse sans lui laisser de pourboire et sort dans la rue.

Que faire maintenant  pour chasser l’ennui qui commence à le gagner ! Il passe devant une affiche publicitaire ou une blonde pulpeuse en lingerie sexy à dentelle blanche s’étire devant lui. il se prend en photo entrain de caresser la femme de l’affiche et la poste avec la légende : « Péché : l’envie ». 

Les péchés capitaux

C’est vrai qu’il a une forte envie de sexe, un des autres grands plaisirs de sa vie. Il téléphone à Cathy avec qui il a depuis trois ans des relations épisodiques au gré de leurs envies respectives ou plutôt des siennes. Par chance Cathy est chez elle et a l’air de se réjouir de passer avec lui une après-midi coquine.  Cathy dans un vaporeux déshabillé l’accueille avec un sourire gourmand. Avec son smartphone, il se prend en photo avec elle se promettant de la poster plus tard avec la légende «Péché : la luxure ». Frissonnants de désir partagé, Ils s’étreignent alors avec fougue, roulent sur le tapis du séjour et s’adonnent à de multiples jeux  de domination et soumission décuplant leur plaisir jusqu’à l’apothéose qu’il aurait souhaitée moins précoce ce qui le frustre. cette chienne  en chaleur ne devrait pas l’exciter autant. Elle a de la chance, pense-t-il, d’avoir un amant comme lui aussi beau et performant.  Il sent la haine monter en lui. Cathy sort du champagne du réfrigérateur, en sort deux coupes et lui en tend une en s’écriant narquoise :

  • « À tes exploits Julien,  record de vitesse battu,  encore un effort et tu rentreras au Guiness ». je pourrais prendre ton sexe en photo et le poster sur Facebook avec comme légende « tare : l’impuissance ».

Il rougit, Il bouillonne en s’efforçant de se contenir

  • C’est de ta faute Cathy
  • De ma faute, arrête Julien de masquer ton manque de confiance en toi par un orgueil démesuré, une fausse assurance.
  • Madame joue les psy maintenant, tu lis trop Psycho Magazine
  • Regarde comment tu te tiens droit, comment tu bombes le torse avec excès.  Prends toi en photo et poste la avec la légende « Péché : l’orgueil »
  • Tais-toi Cathy, s’il te plait ferme-la
  • J’ai vu tes selfies lamentables sur Facebook ce matin surtout celui « la paresse » avec le SDF et « La Varice », en plus tu te crois drôle !  je t’assure tu devrais vraiment consulter un psy
  • Arrête, s’il te plait, c’en est trop
  • Non je ne me tairai pas, je ne me tairai plus puisque que tu ne veux pas entendre le message en mode atténué, je vais te le répéter en mode brutal : Tu es un minable complexé, instinctif et impuissant Julien et je te demande de partir tout de suite et de ne jamais plus revenir

Toute la colère contenue en lui  éclate soudain. Julien jette les coupes de champagne à terre qui se brisent en tombant se précipite sur Cathy  tétanisée de stupeur par sa fureur violente,  Il la fait tomber, la bloque en s’asseyant sur elle, la saisit par le cou et serre, serre, serre pour faire taire, taire à jamais cette salope…. Il l'a tuée, il ne le voulait pas mais c'est de sa faute. Il prend son smartphone qu’il avait posé sur la table basse et prend en photo les coupes cassées à terre et les poste sur Facebook avec comme légende «Péché : la colère», il efface le selfie trop compromettant de la luxure de son smartphone.  Il nettoie les traces de son passage,  ramasse le verre brisé le met dans un sac plastique avec la bouteille qu’il jettera dans sa poubelle en rentrant.  Il s’empare du smartphone de Cathy, efface son nom de la liste de ses amis et le met dans la poche de sa veste. Quand il passera sur le pont Mirabeau "sur le pont Mirabeau coule la Seine et nos amours"  il le lancera dans la Seine. Sur son propre téléphone, il raye Cathy de sa liste d’amis.

Enfin calmé et rassuré comme si rien ne s’était passé,  il sort de l’appartement puis de l’immeuble sans que personne ne l’ait vu ni entrer, ni sortir, pressé d’en terminer avec cette épique journée et sans penser que sa colère et sa précipitation lui ont fait oublier d'effacer le selfie de la luxure sur google ou toutes les photos qu'il prend avec son smartphone sont stockées et visibles par tous. 

Rédigé par Martine.

Publié dans #Nouvelles

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É
Bonsoir Martine. Ta nouvelle est très bien écrite et mériterait d'être publiée. Bisous
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A
Rien ne se perd, rien ne s'efface !!!! Tu donnes une bonne leçon "réseaux sociaux", celui qui l'oublie est fiché d'avance, fiché et fichu... C'est une triste réalité bien actuelle.
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N
Et pourtant tout avait si bien commencé... Superbe, un vrai régal de te lire, Martine. Je t'embrasse et te souhaite une belle journée
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M
Quel récit mené tambour battant sur les péchés capitaux et avec un assassinat, en prime!<br /> Bravo!<br /> Mo
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F
Oh! Quel méchant bonhomme ! Il ne sait pas ce qui va lui tomber dessus un de ces jours; Ce sera bien mérité ! Beaucoup d'imagination pour cette histoire étrange! Bravo. <br /> Bonne journée
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M
Un mauvais jour pour ce triste sire...
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C
Excellente rediffusion qui cadre très bien ici, Martine ! Bravo ! Bisous♥
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D
bref, il aurait mieux fait d'aller travailler ... ton histoire va crescendo et Julien devient de plus en plus antipathique ... <br /> Serait ce un mauvais rêve, un de ceux qui laissent un goût amer dans la bouche.<br /> Et la sexualité, même débridée, pas si jouissive. <br /> Je te souhaite un bon déménagement. Ma soeur a déménagé aussi quittant la région pour l'Ain (Culoz). <br /> Bises
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E
je ne l'avais pas lu. En plein dans le mille pour le défi de Zaza ...<br /> bises
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J
Merci d'avoir republié je ne m'en rappelais plus .<br /> Bonne journée <br /> Bisous
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Q
Eh bien, tu as bien fait de le republier... <br /> Je ne m'en souvenais plus. Ce type est un monstre... Zaza n'a plus qu'à faire intervenir l'un de ses enquêteurs préférés qui, c'est certain, le mettra sous les verrous.<br /> Bisous et douce journée.
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Z
Quel triste sir ce Julien. Merci d'avoir joué le jeu Martine. Bisous
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D
Une horreur ce Julien, et en plus il est bête!<br /> bonne journée<br /> bises
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