Tempête
Publié le 11 Octobre 2019
Comme chaque matin, je rentrais chez moi après mon travail. Conducteur de ligne de production dans une usine agroalimentaire, la nuit avait été particulièrement longue et fatigante. Au-delà du bruit assourdissant des machines, de la station debout qui m’était de plus en plus pénible à cause d’une mauvaise circulation sanguine, mon travail avait été rendu encore plus pénible par un arrêt soudain et inexpliqué de la ligne de production. Heureusement j’avais déjà eu cette panne et j’ai pu remettre en route rapidement la production.
En sortant de l’usine, il pleuvait des cordes, le vent était violent. Je courais vers ma voiture pour être à l’abri rapidement et rentrer chez moi retrouver ma femme et ma fille dans notre jolie maison. Je mis la radio pour me tenir compagnie pendant le quart d’heure de route. Aux actualités de 7 H 30, le journaliste annonçait que la tempête annoncée la veille avait bien traversé notre ville en fin de nuit et que les pompiers étaient débordés. Ils annonçaient quelques victimes mais craignaient que le bilan soit plus lourd. Je regardais autour de moi dans la semi obscurité précédant l’aurore. Sur les trottoirs des poubelles étaient renversées, des tuiles étaient tombées parfois même sur la chaussée. Au carrefour le grand sapin penchait dangereusement. J’avais hâte de rentrer.
Il faisait presque jour quand j’arrivais devant chez moi et ce que je vis me stupéfia : mes trois arbres, de vieux bouleaux, avaient sauté et gisaient à terre déracinés. Ils étaient pleins de nids. Quelle tristesse ! Où allaient pouvoir nicher les petits oiseaux que j’aimais tant ? Cette pensée me bouleversa tant que je ne pus retenir quelques larmes.
Je tournais mon regard vers la maison. Vision d’horreur un arbre du voisin était tombé sur notre maison où dormaient ma femme et ma fille. Je m’évanouis. Je me réveillais à l’hôpital ou l’on m’apprit que mon épouse et ma fille étaient mortes.
C’était il y a dix ans, je ne me suis jamais remis de la perte de ma famille et la culpabilité me tenaille. Je m’en voudrais toute ma vie d’avoir pensé aux petits oiseaux avant de me préoccuper du sort de ma femme et de ma fille.
Martine Martin / Septembre 2019 pour le Nid de mots d’ABC