Martial le martien
Publié le 8 Janvier 2020
Ce matin, je suis mal réveillé, j’ai fait un cauchemar cette nuit, je me retrouvais seul dans un désert de terre ocre parsemé de cratères où je m’étais égaré.
Il me faut Sortir du rêve et revenir à la triste réalité quotidienne celles des nouvelles économiques catastrophiques, des conséquences dramatiques des dérèglements de notre planète et des faits divers sanglants. C’est ainsi chaque matin mais j’aime lire le journal en avalant mon thé même si ces informations me laissent une impression de malaise.
Comme chaque jour Je me précipite sur ma boîte aux lettre et sort mon journal préféré « Le Marseillais libéré » qu’un livreur a déposé aux aurores. Je me saisis du journal, l’ouvre et … oh surprise de découvrir ma photo en première page avec ce gros titre
MARTIAL LE MARTIEN « Martial MARTIN, quinquagénaire marseillais a remporté notre grand concours d’écriture « Pourquoi pensez-vous que vous êtes martien ? ». Le jury, à l’unanimité, l’a désigné comme le Martien Marseillais de l’année. Lire page 6 » |
J’avais complètement oublié que j’avais participé à ce concours d’écriture séduit par le thème inhabituel et par Mars qui m’a toujours fasciné. Je ne m’imaginais pas pouvoir le gagner. Je tourne les pages vite et sur la page 6 je trouve mon texte que je lis à haute voix.
MARTIAL LE MARTIEN
« Mars m’a toujours hanté. Je suis né un 30 mars à Marseille sous le signe du bélier. Mes parents m’ont appelée Martial en souvenir de mon petit frère Martin mort 2 ans avant ma naissance
Je pense souvent à ce petit frère que je n’ai pas connu et je l’imagine, petit habillé de vert avec de grands yeux turquoise. Je le vois vivre sur une autre planète, une planète rouge remplie de cratères, une planète qui pourrait bien être Mars telle que les scientifiques la décrivent.
Depuis que je suis petit, je déborde d’énergie, je suis hyperactif, aime le risque, l’aventure. On me dit tenace, pugnace, volontaire. Je suis impulsif. Il m’arrivait de me battre dans la cour de l’école. Je porte bien mon prénom, J’ai cet instinct guerrier, viril qu'on prête à Mars dans la symbolique collective : « Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus ».
Je me suis assagi en vieillissant mais je suis resté néanmoins combatif, et je me bas en permanence sans mes poings mais avec mes convictions. Je me bats pour le respect des valeurs qui sont les miennes et contre l’injustice. Mes causes étant souvent perdues d’avance, je suis souvent vaincu mais le principal n’est-il pas d’avoir combattu. Il m’arrive aussi de gagner ; j’affiche alors mes victoires, il faut que cela se sache, que cela serve d’exemple.
Quand j’étais petit, j’étais très gourmand, je raffolais des barres de MARS et dès que j’en avalais une je m’écriais en riant « Mars et ça repart ». Aujourd’hui je n’en mange plus, j’en ai trop mangé de façon boulimique jusqu’à l’écœurement.
Adolescent, Je passais beaucoup de temps à lire des romans de sciences fiction et des BD : tintin, Spirou avec un attachement particulier pour cette petite bête étrange à la longue queue : le marsupilami qui semblait sorti d'une autre planète.
Je me suis marié à 20 ans avec Martine une jeune femme rousse rêveuse qui semblait vivre comme moi sur une autre planète. Nous étions en quelque sorte des extra-terrestres, des inadaptés pour nos congénères et c’est ce qui nous a unis.
Nous avons beaucoup voyagé ensemble notamment aux États-Unis. Je me souviens de Yellowstone, cette immensité de terre orangée semée de cratères d’où jaillissent des geysers majestueux. J’ai l’impression d’y être déjà allé, « C’est ainsi que j’imagine Mars » ai-je dit à Martine qui m’a répondu « j’ai la même impression que toi ». Martine et moi, nous sommes toujours sur la même longueur d’ondes.
Je me souviens de Paris, avec la Tour Eiffel surplombant le champ de Mars verdoyant, Un beau terrain d'atterrissage pour soucoupes volantes ai-je pensé la première fois où j'y suis allée. C'est mon endroit préféré de la Capitale.
Nous avons eu deux enfants : en premier Marceline, puis plus d’un an après : Marceau. Ils sont arrivés un peu comme Mars en carême. Mais néanmoins nous les avons beaucoup entourés et leur avons beaucoup donné. Ils nous ont beaucoup apporté.
Ils nous ressemblent beaucoup. Ils ont l’air comme nous toujours absents, perdus dans leurs rêves comme s’ils vivaient eux aussi dans la 3ème dimension. Ils sont dynamiques et tenaces comme nous, peut-être plus que nous.
Nous avons acheté un grand appartement rue neuve Saint-Martin à Marseille. Souvent nous allons en week-end dans le Var. J’aime me promener en hiver à Saint-Tropez, voir la vieille gendarmerie. Je pense à l’adjudant Cruchot qui a combattu les extra-terrestres et aux fous-rires que nous avons eus avec Martine en le voyant perdu. Difficile parfois de distinguer un humain, d’un martien qui peut parfois prendre apparence humaine.
E.T. restera pour Martine et moi un grand moment de cinéma plaisir. Nous avons été émus aux larmes par E.T. , son envie de retourner à la maison malgré son amitié pour Elliott petit enfant terrien. Je ne sais pas pourquoi mais E.T. m’a fait penser à mon grand frère MARTIN que je n’ai pas connu.
Nous sommes bien-sûr allés voir Mars Attack mais nous n’avons pas aimé. Nous ne pouvons pas imaginer des martiens agressifs venant attaquer les terriens. Dans notre imagination ce sont des êtres doux et rêveurs.
Je suis persuadé que les martiens sont discrètement présents sur terre, que j’en côtoie peut-être dans mon environnement quotidien sans m’en apercevoir.
Tellement marqué par mars, les Martin, les martiens, je me dis qu'il y a des coïncidences étranges. Je ne crois pas réellement au hasard et je me dis que peut être j’ai été martien dans une autre vie ou peut-être même dans celle-ci ne serais-je pas un martien envoyé sur terre pour espionner et témoigner à mon retour sur Mars.
Martial MARTIN / Mars 2019
Je repose le journal sur la table de la cuisine, il est déjà 8 heures, il est temps d’aller travailler. Il faut revenir sur terre et aux activités quotidiennes. J’enfile mon manteau, mes chaussures et sort de l’appartement. Je prends l’ascenseur pour descendre dans le hall d’accueil. J’ouvre la porte de l’immeuble et je me dirige vers le parking extérieur encore perdue dans mes rêveries. Je relève la tête et là je reste stupéfait, tétanisé par la peur
A côté de ma «Twingo» verte une soucoupe volante est stationnée.
Un petit être vert aux grands yeux turquoises en sort et me fait signe de monter avec lui. Nous rentrons me dit-il. Je refuse de monter et je crie que je suis très bien sur terre et que je ne veux pas rentrer à la maison. Il se met à pleurer, m’embrasse, me fait un signe d’adieu, monte dans la soucoupe et décolle dans un nuage de feu.
Je lève mes grands yeux noyés de larmes au ciel et je lui envoie un baiser de la main en chuchotant « Adieu mon petit-frère Martin, embrasse bien Maman et Papa »
Martine Martin / pour Les prénoms du mercredi de Jill Bill (aujourd'hui Martial)