La magie de l'aube
Publié le 9 Mars 2020
Assise dans le bus elle lit et butte sur cette phrase de l'écrivaine parlant de son père :
« peut être sa plus grande fierté, ou même la justification de son existence, que j’appartienne au monde qui l’avait dédaigné »
Un discret parfum de lavande la surprend. Elle abandonne sa lecture, lève les yeux. Un homme, assis en face d’elle dans le bus, fait des mots croisés.
La blancheur de son visage contraste avec ses cheveux très bruns, brillants, lissés en arrière. Ses yeux vifs et noirs sont cerclés de lunettes rondes aux épaisses montures d’écaille. La bouche fine affiche une moue perplexe pendant que sa longue main aux ongles courts et soignés s’agite et remplit, hésitante, avec un crayon à papier quelques cases blanches.
L'homme soudain met son crayon dans la poche interne de sa veste bleue marine, referme sa revue de mots croisés et la range dans une serviette plate en cuir noir. Il lève les yeux, l’aperçoit, la contemple avec un regard surpris exprimant à la fois fierté et fragilité. Le bus ralentit, il lui sourit tout en se levant et murmure à son attention : « je t’ai aimé, crois moi »
Elle le suit du regard. Des larmes, qu’elle ne peut retenir, coulent sur son visage. Le bus s’arrête, l’homme descend allume une cigarette. « Papa » crie t’elle sans pouvoir se lever et le suivre. Elle le regarde attendrie disparaître dans la rue.
Une sonnerie stridente vient interrompre le bonheur fugace de l’instant. Elle se réveille, son oreiller est trempé de larmes. Elle se lève laissant derrière elle son passé pour songer à la journée qui débute. Elle aime la magie de l’aube , ce moment unique où tout est encore possible.
Martine Martin/ Réédition d'un texte de 2008 pour le défi 233 des croqueurs de mots animé par Marie Chevalier (thème : parler d'un rêve). Avec une semaine d'avance mais mieux vaut plus tôt que jamais, après je serais vraisemblablement à Paris et je ne pourrais plus.