La cage est vide, Colombe s'est envolée
Publié le 12 Février 2021
Je m’appelle Colombe. J’aime bien mon prénom. C’est un nom d’oiseau blanc comme celui de ma sœur Swan, de ma jumelle Palombe et de mon frère Corneille. Tout s’explique : notre mère était ornithologue. Difficile tous les jours ce métier qui vous écarte des réalités de la vie. Pour moi le plus pénible est d’être Colombe née à Colomb-Béchar en Algérie. Les gens s’imaginent que je suis blancheur et perfection personnifiées et ne me pardonnent rien, encore moins la couleur de ma peau. Ni blanche, ni noire, ni grise, je suis métisse, enfin marron et blanche. Ma mère est colombienne et mon père péruvien ! Avez-vous déjà vu une colombe une vraie (pas un pigeon) couleur café crème. Un jour, j’irai goûter un café crème à Colombes.
Ce qui ne vous tue pas vous rend plus forte. J’ai gagné en volonté et en combativité. Ma sensibilité se cache sous une indifférence apparente. Éprise de paix et de justice, je défends souvent les causes dites perdues. Aider les autres, les conseiller quand ils sont dans la difficulté ou la peine sont mes moteurs dans la vie. Je fais tout pour me faire aimer, mais peut-on aimer une icône sans la jalouser ? La bave du crapaud n’atteint pas la blanche Colombe. Claustrophobe, j’ai besoin de grands espaces et de liberté. J’aimerais tant voler comme l’oiseau et j’y arrive en faisant pendant les vacances du deltaplane dans mes Pyrénées à Sainte-Colombe.
J’aurais aimé faire des études, mais petit oiseau tombé du nid trop vite, je n’ai pas pu. J’ai dû trouver rapidement du travail. Factrice, je suis ainsi fidèle à mon image de messagère. J’apporte parfois l’amour, le bonheur, mais bien souvent aussi le malheur et les difficultés. Surtout être libre dans la journée sans personne derrière mon dos à me contrôler est une chance. J’aimerais néanmoins me libérer complètement du joug de l’entreprise.
J’ai épousé il y a dix ans Pierre et, depuis, je suis depuis la colombine de mon Pierrot. Le reste de l’année, nous vivons tout près de Paris dans un pavillon à Colombage à Colombes, rue de la paix : une adresse prédestinée. ! Je ne l’ai pas fait exprès. Le pur hasard existe-t-il ? Peut-être ai-je voulu goûter au café-crème des bistrots de Colombes ? Le doute m’habite, c’est ma philosophie contrairement à ma jumelle palombe que je surnomme « pas l’ombre d’un doute » tant elle est assurée d’avoir toujours raison. Quant à Corneille, mon frère, il passe son temps à bayer aux corneilles en regardant le ciel dans la journée et la lune la nuit comme mon Pierrot.
J’écris des poèmes, mais je ne suis pas poète. Ces derniers sont des musiciens qui savent nous enchanter et nous émouvoir juste par la magie de l’association des mots. Ils n’ont pas grand-chose à nous raconter et nous font jouir de la beauté d’un instant, d’une sensation fugace, de leurs émotions. Les poèmes qui ne racontent rien m’ennuient. Je pense que c’est pour cela que la poésie ne se vend pas bien. C’est ludique de faire chanter les mots avec le fol espoir d’amuser et surprendre. Je suis bavarde comme une pie, j’ai toujours quelque chose à écrire, une cause à défendre, des histoires simples fleurant bon la vie à narrer où chacun peut se reconnaître ou à défaut rêver.
J’ai toujours appris de manière empirique. Pour pouvoir monter les échelons à la Poste, il faudrait que je retourne à l’école comme me l’a fait comprendre la conseillère carrière de la DRH DIR (direction inhumaine des ressources).
Non, je ne retournerai pas à l’école, il y a longtemps que la cage est vide et que l’oiseau s’est envolé. Après celles de l'école, puissent bientôt les portes de ma prison entreprise s’ouvrir pour créer ma propre activité.
Cette pensée me fait chantonner à voix basse le refrain de la chanson de Pierre Perret :
« Ouvrez, ouvrez la cage aux Oiseaux,
Regardez les s’envoler, c’est beau »
Martine Martin pour le nid de mots d’ABC de Février 2020 (Thème : la cage est vide, l’oiseau s’est envolé).