La vieille écrivaine
Publié le 14 Mai 2021
Je suis maintenant une vieille écrivaine qui n'écrit plus. Je pourrais le faire si je n'étais pas si esseulée sans personne pour m'aider en me stimulant. Parfois, on vient me voir. Mes visiteurs semblent s'intéresser à moi, mais je sens dans le regard des plus jeunes à la fois du respect pour la mamie au grand âge qui doit les empêcher de m'approcher de trop près, mais aussi une sorte de curiosité ironique me faisant comprendre que je suis dépassée, d'un autre siècle. Chaque jour, au temps de ma jeunesse, j’avais de la compagnie. Je me sentais non seulement utile, indispensable. Certains me touchaient délicatement. Je regrette presque le temps où un compagnon de ma vie me tapait. J'avais besoin de cela pour écrire des lettres, des poèmes, des romans. Je me sentais utile, j'existais. J'ai toujours été un peu masochiste. Aujourd'hui, je souffre d’abandon, d’isolement et d'indifférence qui me donnent le sentiment de n'être plus utile à personne. C’est très difficile pour quelqu’un dont le moteur de sa vie a été le sens du service aux autres, le don de soi avec abnégation. Personne ne voudra de moi dans cette salle des ventes où je me morfonds. À l'heure de l'informatique qui voudra d'une vieille machine à écrire même une luxueuse Mercedes.
Martine Martin / Pour le nid de mot d'ABC (Thème : l'isolement / la séparation)