La honte

Publié le 25 Avril 2022

Quand je suis rentrée à l'école, je savais déjà lire et écrire, ma grand mère qui m'a élevée m'avait appris. Ma matière préférée était donc le français et surtout les rédactions. Je prenais beaucoup de temps à les écrire en veillant à l'orthographe, les relire, les améliorer. À chaque fois, elles étaient lues par les différentes institutrices qui m'attribuaient d'excellentes notes. C'était une fierté pour moi. Cela compensait les mathématiques que je détestais et qui baissaient mes moyennes.

Quand mes parents m'ont repris, ils m'ont mis dans une école privée. Mon père, un panier percé, ne payait pas la scolarité, ce qui m'a valu beaucoup de brimades de la part d'une institutrice et de la directrice. Par exemple, dès qu'il y avait un vol, j'étais accusée à tort. D'après ces dames, il n'y avait que les pauvres qui pouvaient voler.

Je vais vous raconter la pire des humiliations que j'ai connue dans cette école. Après que nous ayons récité comme chaque matin le traditionnel « Notre père », l'institutrice s'assied sort de son cartable un paquet de copies. Elle les dépose sur son bureau et dit d'une voix froide : Je vais vous rendre vos rédactions « Racontez votre dernier  Noël ». Comme à chaque fois, elle lit les écrits qui ont obtenu les meilleures notes.  Après avoir lu 2  rédactions, elle me regarde d'un air hautain et sévère, s'empare de ma copie  et débute sa lecture :

 

« Le jour commence à poindre derrière les persiennes de métal rouillé, Je  reste quelques minutes blottie bien au chaud sous la couverture écossaise, j'hésite quelques instants à quitter cette douce quiétude et affronter la fraîcheur matinale de la pièce mais je me  souviens que c'est Noël aujourd'hui. Que vais-je  avoir cette année ? Impatiente de découvrir mon cadeau. Cela fait plusieurs jours que je résiste à la grande envie de fouiller les placards du petit appartement. Je me lève et me  dirige pieds nus sur le plancher froid vers la salle à manger. Au pied du sapin, je repère très vite mon paquet. Une boîte bien rigide recouverte d'un joli papier cadeau vert sur lequel des pères-noël sont imprimés. Je dénoue avec soin  le ruban rouge, enlève le papier et découvre un coffre en bois clair vernis. Que peut-il contenir ?  Je  l'ouvre  religieusement et découvre .... un microscope noir et de nombreuses lamelles de verre. Je n'ose pas y croire, me  frotte les yeux. Serait-ce un rêve, On  m'a offert le microscope dont je rêve depuis longtemps. Je me retourne, Papa se tient là derrière moi, me regarde comme à chaque fois avec tendresse et fierté. Je me précipite dans ses bras, l'embrasse. Je pose le coffret sur la table de la salle à manger et je sors le microscope. Que vais-je pouvoir observer. Papa va chercher une épingle, la nettoie avec de l'alcool et se pique le doigt, il dépose une goutte sur une lamelle de verre, l'étale et la recouvre d'une seconde lamelle. Il place le tout sous l'optique du microscope et me demande de regarder. Tout est flou, je règle la molette et soudain  apparaissent  de nombreuses cellules rondes grises et transparentes. C'est magique et merveilleux. Je prends conscience à ce moment là que nous sommes constitués de cellules et que chacune d'entre elle porte la vie.

Je me souviendrai de ce matin la toute ma vie comme mon meilleur souvenir de Noël »

 

J'étais heureuse que l'institutrice l'ait lue, je croyais avoir une bonne note.

Après avoir terminé sa lecture, elle se lève de son bureau, ma copie à la main, emprunte l'allée centrale entre les pupitres et se dirige vers moi, elle jette la copie sur mon bureau en éructant :

- "Mademoiselle, bien que cette rédaction soit très bien écrite et qu'il n'y ait aucune faute, vous aurez zéro car vous n'avez pas eu un microscope, vous avez menti par vanité"

- "Je ne mens pas j'ai bien eu un microscope, je peux l'amener pour vous le prouver".

- "Taisez vous immédiatement, vous devriez avoir honte, avouez que vous avez menti ! Comment voulez vous que vos parents qui sont pauvres et qui ne peuvent payer votre scolarité puissent avoir les moyens de vous offrir un microscope ? " 

Cette dernière phrase me transperce comme une blessure. Je ne sais quoi répondre à cette injuste humiliation publique. Toutes mes camarades me regardent, certaines avec un cruel air moqueur.

Je ne pourrai même pas amener le microscope de peur qu'on réclame à mon père de payer ce qu'il doit. Je préfère passer pour une menteuse. J'ai honte. Je retiens mes larmes mais je ne baisserai pas les yeux, Papa doit être fière de moi !

 

Martine Martin / Pour le défi 264 des croqueurs de mots animé par Zaza 

Photo pixabay

Photo pixabay

Rédigé par Martine.

Publié dans #Ecrits divers

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Q
C'est un terrible souvenir d'enfance... Mais tu as bien fait de ne pas apporter ton microscope.<br /> Merci pour ce partage, Martine.
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C
J'ai connu cela aussi, sous une autre forme. De plus, j'avais une prof qui passait dans les rangs et prenait un malin plaisir, avec des bagues plein les doigts, à me tapoter la tête et ses bagues se prenaient dans mes cheveux !! Mais je ne li en voulait pas, car en dehors de cela, elle était sympa !<br /> Ces souvenirs, malgré les années passées, restent indélébiles. MERCI pour ce texte, en effet, impeccable ! Bisous, bisous.
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P
En tous cas, cela ne t'a pas coupé l'envie d'écrire.<br /> C'est vrai que les institutrices étaient très rigides, en plus tu étais dans une école privée ! Elle n'avait rien à y faire. Se permettre de juger une enfant à cause des parents !<br /> Je me dis que ça doit encore être.<br /> Bises
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E
Bonjour Martine. Je me souviens de cette histoire de microscope que tu avais reçu et personne ne te croyait. Bisous
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A
Tu as vécu une expérience digne du roman: Le Petit Chose d’Alphonse Daudet. Peut-être cela a-t-il déclenché ce plaisir d’écrire et de raconter qui semble être le tien.
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F
Un souvenir cuisant pour une petite fille , qui ne peut s'oublier lorsque c'est une terrible injustice. <br /> A l'époque, les préjugés étaient tenaces ;et les institutrices n'avaient pas beaucoup de psychologie! Une très belle rédaction qui aurait mérité une superbe note!
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B
Ma chère Martine, les gens de l'époque étaient très durs en parole comme en acte, voire cruels parfois qu'ils soient parents ou instits ou autres. Les enfants ne devaient pas la ramener sous peine d'être humilié. J'ai connu cela aussi, différemment mais ça me soulève le coeur encore de nos jours à cause de mon frère qui avait fait une grosse bêtise et comme ma mère le soutenait tout le temps elle a préféré le croire lui que moi mais elle a appris la vérité une fois que l'humiliation aie été faite.<br /> Ecris-moi suite à ce que je t'ai demandé, merci par avance. Bisous et bravo pour ta participation.
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C
Bonjour, <br /> Une méchanceté que l'on oublie ps et qui ne devrait pas avoir lieu dans ce genre d'établissement... malheureusement, très, trop fréquent.<br /> Bonne journée<br /> Bises
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A
Quelle méchanceté.<br /> Quelle hargne après une enfants.<br /> Tu as dû bien souffrir de ce genre de brimades.<br /> Bisous Martine et douce soirée ♥
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J
Un souvenir bien cruel en effet et qui t'enfermait dans un conflit de loyauté vis à vis de ton père.<br /> Et un attitude impardonnable de l'institutrice pour cette humiliation publique. J'ai aussi quelques souvenirs cuisants de mauvais pédagogues ... bises
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J
Quelle attitude navrante et cruelle de cette enseignante , un tel mépris devrait lui interdire d'exercer cette profession .<br /> Comment peut on se venger sur l'enfant des problèmes de règlement de la scolarité , cela me laisse complètement ahurie.<br /> Bonne soirée <br /> bises
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M
Comment peut-on être d'une telle cruauté? Et justement dans une école privée, catholique semble-t-il où on doit prôner l'amour du prochain et la charité!
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M
Bonjour Martine quelle méchanceté! c'était une horrible bonne femme, j'ai eu le même genre de prof quand je suis entrée en 6ème , prof de maths qui m'a fait détester les maths à vie et qui me mettait des - 2 ou même - 5 au lieu de m'expliquer; je l'ai haïe bisous MTH
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R
Quelle horreur cette bonne femme qui ne mérite pas le nom d'institutrice, elle sont théoriquement plus modérées....Bisous bonne semaine
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.
une institutrice .....elle avait encore de choses à apprendre...pauvre femme...ne vais rajouter mot ....
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A
Je comprends que tu ais abandonné la religion. Et ce jugement sur les pauvres ... Aujourd'hui encore avec la prime de rentrée scolaire servant, soi disant, à acheter un grand écran TV. ...<br /> Tu écris si bien. Ton témoignage fait penser à Victor Hugo avec sa défense des pauvres.<br /> Je voulais te dire que Domi, notre capitaine des croqueurs était dans la région et a préparé fissa une rencontre. Ce fut très cool et sympa. Bises
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M
Elle était vraiment stupide et n'avait pas de coeur cette instit, elle n'avait rien à faire de bon avec les enfants ! C'est tellement moche<br /> Ca me remet en mémoire cette petite classe de primaire où on avait lu ma composition devant la classe, sans doute cet encouragement m'a donné envie de continuer ...
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E
Ton texte est super, mais l'enseignante ne mérite pas d'enseigner ! Quelle honte et quel sans-cœur !<br /> Un enfant ne mérite pas d'être traité ainsi quel que soit le comportement des parents ! Tu me diras qu'aujourd'hui encore parfois, je ne veux pas généraliser, les parents qui ne payent pas la cantine ...Allez aujourd'hui, tu as une belle revanche meme si elle t'a mis zéro ! bises
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A
On se croirait revenu deux siècle en arrière, cela fait frémir !!!!!!!!!!
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J
Oui j’ai connu ces écoles où sous la férule d’une profonde dévote sans péchés, on subissait des brimades souvent irréversibles pour des enfants.<br /> Un souvenir bien relaté
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R
Waouh, quel dilemme Martine !! j'imagine ton chagrin.. bonne journée gros bisous
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Z
Quel cruel souvenir Martine... Une véritable chipie cette maîtresse !<br /> Bises et bon début de semaine - Zaza
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M
Quand ce sont les professeurs qui sèment la zizanie, c'est encore pire.<br /> Très belle histoire. Bien écrite. Je mets 10/10.<br /> Bravo. Bonne journée. Bisous
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D
C'est terrible ces profs sans aucune psychologie, il y a des mots qui font vraiment mal!<br /> Belle journée.<br /> bises
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J
Ce fut très vexant, et que rajouter, merci Martine, bon lundi, bises
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C
Bonjour Martine,<br /> Magnifique participation à relever le défi mais, quelle tristesse pour la petite fille que tu étais, alors !!! C'est impardonnable, dans un certain sens, hélas !!! <br /> Douce semaine,<br /> Bisous♥
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C
Très émue de ton texte fort bien écrit qui me rappelle des choses "similaires" lors de ma scolarité...<br /> On ne peut jamais oublier de telles choses, un être est marqué à vie!<br /> Petit passage en commentaire, je lis souvent tes textes dans le silence (je veux dire sans commenter) en raison de mes soucis de réseau... Idem pour les textes de Zaza et d'autres amies... là ça a l'air de tenir... Très bel écrit, merci<br /> Amitiés<br /> Cendrine
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