Bribes d'adolescence (1) - Marie-Pierre
Publié le 3 Avril 2010
Voici la suite de ma biographie. Après :
- Bribes d'enfance (1) Les années bonheur (1953 / 1959)
- Bribes d'enfance (2) - La fille de papa
- Bribes d'enfance (3) - les années difficiles
- Bribes d'enfance (4) - Amitiés
- Bribes d'enfance (5) - Fin d'enfance
C’est ainsi qu’arriva dans ma classe Marie-Pierre. On aurait dit un garçon. Assez grande, forte, les cheveux courts, elle avait une belle assurance et nous toisait tous avec ses petits yeux à la fois malicieux et narquois. J’admirais son assurance et je n’eus pas trop d’efforts à faire pour devenir son amie. Ses parents que je ne vis jamais tant elle était livrée à elle-même étaient des ouvriers. Elle se fichait comme moi de la religion et il nous arrivait d’avoir des fous-rire que nous essayons tant bien que mal de cacher pendant les prières imposées en début de journée et avant de déjeuner.
Elle vivait dans une cité HLM de notre ville qui n’avait pas bonne réputation. Elle souffrait comme moi d’un manque d’amour et d’attention. Tout ceci nous rapprocha et nous furent très vite inséparables. Je ne me sentais plus seule. Finies les récréations ou je restais adossée à un mur à observer les autres, à envier leurs vies mais sans vouloir vraiment leur ressembler.
Cette amitié ne plaisait pas à certains professeurs qui faisaient tout pour nous séparer en classe. Le professeur d’anglais, nous reprocha un jour notre « instinct grégaire ». Il nous fallut regarder dans le dictionnaire pour bien comprendre ce qu’elle avait voulu dire. Je pense avec du recul qu’elle avait bien compris que ce grégarisme ne nous poussait pas au meilleur bien au contraire. Il fallait que nous nous distinguions de toutes ces petites mijaurées bien polies et policées qui étaient nos compagnes de classe et dont nous nous moquions ouvertement. Nous aurions pu avoir quelques problèmes mais il se trouvait que la Nouvelle directrice avait pris Marie-Pierre en affection et qu’elle m’aimait bien aussi. Un jour que Marie-Pierre était absente pour avoir tenté de se suicider en avalant des médicaments, la Directrice m’appela dans son bureau et m’indiqua qu’elle allait revenir et qu’il fallait que je sois très gentille avec elle et que je l’environne bien. Elle me demanda aussi de la prévenir si je voyais que cela n’allait pas. Cette confiance me toucha mais je m’en sentis indigne. Il est difficile d’aimer sans rien attendre en retour quand on est soi même en quête d’amour.
Les week-ends je sortais avec Marie-Pierre et ses nombreux copains de sa cité. Nous allions à Paris, nous promener dans les bois de Saint-Cucufa. Certains avaient des motos et nous montions derrière et faisions quelques promenades pétaradantes en ville. Nous flirtions. Ces sorties en ville n’étaient pas discrètes et un jour de mais 1968, époque qui nous donnait encore plus envie de nous émanciper, nous fumes vues par notre professeur d’anglais alors que nous étions entrain de flirter avec nos copains à la sortie du bois de Saint Cucufa.
Le lendemain en classe (les écoles privées étaient les seules à rester ouvertes), elle nous demanda de changer de place en disant : « Mesdemoiselles COSQUER et HENRI puisque vous aimer la chaleur, allez vous installer au fond de la classe près du radiateur. A cette époque, il n’y avais plus de poêle ». Ma mère fut convoquée par Mademoiselle LORIOT le professeur de sciences qui m’aimait beaucoup. En ma présence, Mademoiselle LORIOT lui dit que j’avais de mauvaises fréquentations et qu’il fallait qu’elle contrôle mes sorties. Je fus surprise d’entendre ma mère lui répondre qu’elle me faisait confiance et qu’elle faisait confiance aussi à mes amis. Je n’avais pas l’habitude de la voir prendre ma défense et celles de mes copains qu’elle ne connaissait pas. Je continuais donc à sortir avec Marie-Pierre et sa bande. Et nous flirtions avec beaucoup de garçons. Marie-Pierre était profondément amoureuse de l’un d’entre eux, Marc un brun pas vraiment beau mais qui avait un certain charme et surtout beaucoup de maturité. Je n’avais pas compris sa passion pour lui en particulier. Je n’en étais pas vraiment amoureuse mais il m’attirait. Ce qui devait arriver arriva, je sortis avec lui. Marie-Pierre ne me le pardonna pas et ce fut la fin de notre amitié, la fin du flirt avec Marc et avec les autres de la bande. Je n’en voulus pas à Marie-Pierre. Je la comprenais et je culpabilisais. Je m’isolais de nouveau encore plus qu’avant.
Je sortais de ma solitude une fois par an pour aller au rassemblement annuel de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) à Montfort-L’amaury. J’aimais échanger avec ces jeunes venus de différents horizons. Je me sentais enfin appartenir à une communauté.
Marie-Pierre quitta l’école quelques temps après. Je n’ai jamais cherché à savoir ce qu’elle était devenue.