Bribes d'adolescence (3) - Rencontre sur les ondes
Publié le 24 Avril 2010
Après :
- Bribes d'enfance (1) Les années bonheur (1953 / 1959)
- Bribes d'enfance (2) - La fille de papa
- Bribes d'enfance (3) - les années difficiles
- Bribes d'enfance (4) - Amitiés
- Bribes d'enfance (5) - Fin d'enfance
- Bribes d'adolescence (1) - Marie-Pierre
- Bribes d'adolescence (2) - Les années collège
Voici la suite de ma biographie (partie d'un écrit déjà diffusé sur quai des rimes avant que je me lance dans ma biographie mais pour que ceux qui ne l'ont pas lue puisse comprendre la suite de mon histoire, il était essentiel de la diffuser de nouveau ici car c'est une partie essentielle et charnière de ma vie)
Mon père avait acheté un talkie-walkie (pour les connaisseurs un Tokaï 500). C'était un gros talkie-walkie assez puisant qui avait une bonne portée qui sortait des limites d'un appartement. Il s'était vite lassé de son jouet que j'avais récupéré.
Mes débuts de cibiste on été discrets. Le soir après le collège et le week-end, je tournais le gros bouton et j'écoutais les cibistes échanger entre eux...... Pour la plupart c'étaient des hommes d'un certain âge (OM : old man veut dire homme dans le langage cibiste pas forcément vieux) qui tenaient des discours très techniques auxquels je ne comprenais rien. Chaque cibiste à un pseudonyme. J'avais choisi Barbara (j'étais dans ma pleine période Prévert : « Souviens toi Barbara, il pleuvait sur Brest ce jour là ». C'était un peu stupide quand j'y pense, Barbara cela fait quelque peu séductrice et cela ne me ressemblait pas du tout.
Un jour enfin j'ai osé sortir de l'ombre, presser le bouton et prononcer quelques mots du bout des lèvres avec ma voix d'adolescente mal assurée « Appel général, appel général de Barbara ». Il y avait très peu à l'époque de femmes cibistes (YL : young ladie qui veut dire femme pas forcément jeune) à l'époque, Imaginez chers lecteurs l'effet que cela a pu avoir chez ces « OM » un peu machos, il faut l'avouer.
Candide comme je l'étais à l'époque, j'ai été très surprise du résultat et très ennuyée. Tout le monde souhaitait parler avec Barbara et je n'avais rien à leur dire.
De plus, je ne comprenais pas la moitié de ce que l'on me disait en langage cibiste « quel est ton QRA, quel est ton QRA me répétait t'on ». Certains de ces messieurs plus futés que les autres ont bien compris que je ne connaissais pas du tout le vocabulaire et que j'étais arrivé sur le canal 27 par le plus grand des hasards et que si ils voulaient m'entendre à nouveau ils fallait qu'ils traduisent. Je les en remercie. QRA veut dire domicile (ville). Mais pourquoi voulaient-ils tous savoir où j'habitais. Je leur ai répondu que j'habitais Rueil-Malmaison, heureusement pour ma tranquillité, ce n'était pas un village où je ne serais pas restée très longtemps anonyme !
Devant leur empressement et leur afflux de questions, je me suis très rapidement mise en QRT (on cesse d'émettre... temporairement).
Et puis j'ai repris, et j'ai noué des contacts privilégiés avec certains cibistes qui habitaient dans la région, la portée de mon Tokaï 500 n'était pas très grande, certains avaient connus mon père lors de son passage éclair sur la fréquence. Il y avait pratiquement que des vieux cibistes, peu de jeunes mais je venais souvent échanger avec eux pour lutter contre l'ennui et la solitude qui me rongeaient.
Il y avait bien un jeune que j'entendais souvent, ce n'était pas réellement un cibiste. Tout le monde pensait que c'était un radio-amateur, un pro. En fait c'était un petit génie de la technique, qui conversait avec le monde entier . Il m'énervait passablement car lorsqu'il parlait, sa puissance était telle qu'il couvrait tous les autres et qu'on ne pouvait plus échanger. On aurait dit qu'il prenait un malin plaisir à étaler sa puissance et montrer à tous qu'il était en communication avec des radios amateurs du monde entier.
Cela
m'énervait mais m'intriguait à la fois.... Je me faisais un plaisir de l'écouter, sa voix était plaisante. Il me snobait vraiment ce qui n'était pas pour me déplaire bien au
contraire.
Son pseudo ou plutôt ses pseudos : « Juliet Mike » pour les échanges internationaux et pour les
cibistes avoisinants c'était tout simplement ou impérialement Titus. Ce nom d'empereur romain qui disait tout et son contraire : Titan (géant) ou titi (petit) me plaisait bien car il
entretenait le mystère et j'ai toujours aimé les paradoxes.
Mais j'aimais bien aussi «Juliet Mike » pour le côté made in USA de ce double prénom et l'aspect féminin et romantique de Juliet qui me faisait penser à Roméo (autre prénom de la CB) et Juliette. Et si ce Juliet devenait mon Roméo.
Barbara décidément ne me plaisait plus cela n'allait pas dans le contexte et Dutronc remplaca Prévert dans mon
coeur : « le monde entier est un cactus », Du jour au lendemain Barbara devint « cactus » ..... Cela rimait bien avec Titus et c'était comme un avertissement :
« N'approche pas, qui s'y frotte s'y pique ».
Savais-je à cette époque la consciemment ou inconsciemment que le danger attire les jeunes audacieux..... Cela eut son effet sur le 27 méga et sa Majesté de la CB, Titus 1er, voulut connaître cette jeune Barbara (j'avais 17 ans) qui de jeune fille extravertie légère, séductrice comme pouvait le laisser penser son prénom sortait soudain tous ses piquants. Il y avait dans cette mutation matière à en émoustiller plus d'un....
La rencontre eut lieu dans une brasserie près de la gare de Rueil une belle journée de printemps . Je m'en
souviendrai toute ma vie, je portais une robe short légère et fleurie choisie pour l'occasion.
Titus apparut alors et tout de suite je fus séduite par ces cheveux longs auburn, son regard appuyé intelligent et
doux.
Je compris tout de suite qu'il n'était pas déçu par la jeune fille brune aux cheveux longs qui n'était pas du tout
à son aise dans cette rencontre improvisée.
Mon côté militant (toujours défendre les plus faibles) que j'ai toujours gardé prit le dessus. Je lui fis
part de mes revendications lui faisant le reproche d'émettre quand je parlais avec les autres et de nous couvrir.
Il s'excusa en souriant (quel sourire) et me proposa de venir émettre chez lui ou plutôt chez ses parents ce qui me permettrait d'échanger et de dépasser les limites de Rueil et d'échanger sans frontière.
Je revis Jean-François (son vrai prénom dans la vie) souvent chez lui.
Je l'ai aussitôt appelé Jeff certainement pour conserver ce côté U.S. qui me plaisait dans son indicatif radio
(aujourd'hui on dirait pseudo).
J'étais impressionnée par le matériel qu'il avait dans sa cave et par cette antenne géante motorisée qui tournait sur son toit. Nous échangions ainsi avec le monde entier et particulièrement avec le Québec. J'étais très heureuse ensuite de recevoir des QSL (cartes postales qui témoignaient de ces échanges internationaux sur les ondes).
Il venait parfois chez mes parents. Je me souviens de son grand éclat de rire quand je lui montrais mes jardinières sur mon balcon et qu'il vit chaque brin de muguet soutenu par un tuteur que j'avais confectionné avec une allumette !! Il n'y avait pas de cactus..... Je crois vraiment que j'ai fini de le séduire ce jour là.