Bribes d'enfance (3) - les années difficiles
Publié le 27 Février 2010
Papa passait de plus en plus de temps dans les cafés du quartier « le Napoléon » et le bar des sports juste en face du terrain de boules où il jouait le week-end à la lyonnaise. C’était un excellent pointeur. Après les parties, il arrosait ses victoires ou pleurait ses défaites à la bière. Il ne buvait pas de vin.
Il rentrait « ivre » à la maison et en fonction de son état. Quand il tenait à peine debout il s’affalait sur le lit et dormait jusqu’au lendemain. Le pire c’était quand il n’avait pas bu suffisamment pour être anéanti. . Il s’en prenait à ma mère et c’était des disputes très violentes en paroles seulement car il ne frappait pas mais il y a parfois des paroles qui font plus de mal que des coups. Il hurlait et ma mère hurlait aussi. Parfois les voisins intervenaient pour mettre fin à ses disputes qui troublaient leur quiétude. Dans mon lit, bien à l’abri sous ma couverture, je tentais de lire avec une petite lampe de poche pour ne pas entendre. Mais quand les disputes étaient trop violentes, je ne pouvais plus continuer à lire, alors je prenais ma petite sœur dans les bras pour la consoler et m’apaiser aussi.
Ma mère tous les soirs, du haut de notre cinquième étage, guettait par la fenêtre son retour du café et quand elle le voyait trop tituber, elle savait qu’il n’arriverait pas à monter tout seul. Elle descendait très rapidement le chercher pour l’aider à monter les 5 étages ?
Il se détruisait physiquement petit à petit tout en continuant néanmoins à travailler quand il n’était pas en arrêt maladie : suicide à petit feu.
Il dépensait de plus en plus en buvant, en jouant au tiercé, et en s’achetant de beaux vêtements. Cela peut paraître dérisoire, mais être bien habillé était très important pour lui et je pense aujourd’hui que cela lui permettait de ne pas se laisser aller complètement.
Néanmoins, il y avait quelques trèves l'été ou nous partions en vacances toujours à la mer en Bretagne, Vendée ou Normandie. Nous changions chaque année. Je me souviens avec plaisir des mois d'août passés à Granville où j'ai appris à nager et à Sion sur l'océan en vendée ou j'aimais me ballader sur les dunes qui longeaint la plage. Papa buvait beaucoup moins car il n'allait pas au café faute de copains de beuverie. Un souvenir très triste : la mort de mon grand-père paternel. Nous étions à Sion. Papa a fait un aller retour à Paris seul. Nous sommes restés ma soeur et moi en Vendée.
En juillet J'allais en colonie de vacances dans un château à Fontanès près de Saint-Etienne qui appartenait à la
banque où travaillait mon père.
Je n'aimais pas du tout y aller car j'étais timide et j'avais du mal à me faire des amies. La vie en groupe ne me
plaisait guerre. N'étant pas du tout manuelle, j'appréciais peu les ateliers divers : pyrogravure, vannerie, rafia.... J'aimais par contre les jeux de piste où j'étais assez
bonne.
Les fins de mois étaient difficiles mais nous avons toujours mangé à notre faim. Papa ne payait pas ses factures ou le faisait à l’extrême limite contraint par les huissiers qui nous rendaient visite souvent et affichaient dans l’immeuble un « avis de saisie » que la concierge s’empressait de retirer par pitié pour nous. C’est Mamie qui payait ses arriérés.
Papa était très généreux et adorait les animaux, il ramenait dans le petit appartement des chats, des
perruches, des bengalis, des hamsters et même une tortue. L’appartement était une vraie ménagerie. Je n’aimais pas les oiseaux en cage et ne m’y intéressait peu. Les chats par contre étaient mes
amis et je leur parlais comme si c’était des êtres humains . Je ne me souviens plus aujourd’hui de tous ces chats mais me rappellerai toujours de TITI ce chat noir si affectueux à qui je
racontais toutes mes peines. Papa ramena même une fois un dindon vivant d’une fête foraine qu’il installa dans un jardin d’un copain aux pieds de l’immeuble jusqu’au noël suivant où le
gallinacée disparut curieusement !
Après le dindon, Un jour il nous ramena aussi une « dinde » appelée Renée, une jeune provinciale sans le sou, maquillée à l’excès, de court vêtue pour séduire mais plutôt des agriculteurs que des citadins. Il l’avait rencontrée au café. Elle cherchait à se loger au moindre coût. Il l’installât à la maison le temps qu’elle trouve un logement. Je dus partager ma chambre avec elle. Finie l’intimité. La pauvre fille n’était ni intelligente, ni avenante ce qui limitait les conversations. Les semaines passèrent, elle s’incrustait. Ce qui devait être provisoire durait et je n’en pouvais plus. Je décidais d’être méchante avec elle et je ne me privais pas de lui dire tout le mal que je pensais d’elle, de fouiller dans ses affaires, de les mettre sans dessus dessous, de les cacher afin de lui rendre la vie ici la plus insupportable possible afin qu'elle parte. J’ai honte aujourd’hui de ce comportement.
Elle s’en plaignit à Papa ce qui n’arrangea pas les choses pour elle car elle n’avait pas compris que mon père qui me portait une admiration sans limite ne supportait pas qu’on puisse me critiquer. Peu de temps après elle partit et on ne la revit plus. Maman qui ne l’aimait pas non plus fut contente et soulagée de son départ.