Voyage de Brigitte Lécuyer
Publié le 10 Décembre 2009
Voyage de Brigite Lécuyer
Une forêt de bouleaux entrecoupée de pins,
Des fougères roussies qui balisent un terrain,
Un clocher, des maisons regroupées
Un village éteint,
Les croix d’un cimetière
Émergent au lointain
Des champs noirs et d’autres,
Couleur de sang séché
J’imagine
La glaise qui colle aux pieds,
Le ciel bas, cotonneux
Et la pluie de janvier.
Des gouttes sales giflent l’acier trempé,
Plus loin, sentinelles efflanquées
Des troncs nus que des lierres étranglent
Qui s’en soucie, pas nous
Du gui pour s’embrasser dessous
Des rigoles, des talus,
Des chemins sinueux qui vont là,
Où personne n’ira plus.
Des bœufs ventrus et sages
Eparpillés comme des nuages
La terre écartelée,
Prête à tous les outrages.
Des clôtures mitées,
Des ajoncs bistre,
Une mare sans nénuphar
Les ruines d’un chateau sinistre,
Des portails fermés à trouble tour,
Des chevaux doux et roux,
Un reliquat de neige
Sur une pente à rides
Comme un trait noir
Un train qui semble vouloir
Faire la course avec nous,
Une buse fichée sur un poteau
Des congères
Des bosquets, des fourrés
Des moutons pales qui bêlent
Des boudins de plastique noir
Où la paille sommeille
Des fermes, des fumées blanches
Une éolienne
Des toits aux tuiles vermeilles,
L’ardoise qui ruisselle,
Des étangs où des truites frissonnent
Une fourgonnette oubliée sur un parking.
Le carreau me sépare de tout,
D’une nature hostile,
Du froid, des courants d’air,
De l’hiver, de toi
Ici, de couloirs en couloirs,
On tangue, on déménage
On traine des bagages,
De page en page
Mes mots surnagent
S’obstinent et mon stylo déraille
Dehors tout est saisi d’effroi
La lumière des toilettes clignote
La porte de verre clique
S’ouvre, se ferme comme une claque
Les uns après les autres, ils défilent
Les vessies s’oublient
Sur des rails transis
Le TGV s’en fout de sa foule indocile
Il roule à toute berzingue
Encore deux heures à ce train-là,
Et j’arrive…
Tu seras là !
Brigitte Lécuyer