De l'argent tombé du ciel
Publié le 29 Mai 2017
En ce beau dimanche de mai, je me promène à Londres au bord du canal. C’est le début de l’après-midi, l’heure de la sieste après le repas de famille. Le quai est désert. Soudain au loin une masse qui brille au soleil attire mon attention. Je ne sais pas d’ici ce que cela peut être. Je m’approche et j’ai du mal à croire ce que je vois : un tas de pièces de 2 pence. Il y en a des milliers.
Je me demande un moment si je ne rêve pas mais non. Elles sont bien là devant moi et ne demandent qu’à être ramassées. Curieusement je ne le fais pas. Je me dis que cet argent doit être à quelqu’un mais comment a-t-il atterri ici ? On ne peut pas perdre autant de pièces à la fois sans s’en rendre compte ? Le quai est désert. Et si c’était un piège. Il se trouve qu’en ce moment j’ai quelques problèmes d’argent. Mon compte en banque est vide, normal l’argent court trop vite sur un compte courant. Cette somme est la bienvenue mais je ne peux pas venir déposer ces milliers de pièces à mon agence bancaire, j’imagine la tête de l’employée qui devra les compter. Je ne me vois pas non plus payer à l’hypermarché mes courses avec ces pièces, je provoquerai une émeute à la caisse. Je pourrais aussi aller au centre des impôts solder mon impayé mais l’employé prendrait cela pour une provocation et ce n’est même pas certain qu’il les accepte
Alors que faire. Je me baisse touche les pièces. Exposées au soleil, elles sont chaudes. On ne peut pas dire que ce soit de l’argent frais. Ce sont de vieilles pièces certainement car elles sont poussiéreuses. Si je les garde je vais devoir les laver pour blanchir cet argent sale. Je les renifle mais c’est bien connu « l’argent n’a pas d’odeur ». Que faire ? Je regarde autour de moi personne. J’ai bien envie de les ramasser, je pourrais toujours les distribuer aux SDF en ville et ferai des heureux mais ils pourraient croire que je me moque d’eux en me débarrassant de ma petite monnaie. J’ai un sac à dos et dedans un sac à commission pliable. Je vais pouvoir toutes les ramasser mais il faut faire vite avant qu’un promeneur arrive et me voit. Je ramasse les pièces et les met dans mes sacs. Celles qui sont dans mon sac à dos ne sont pas dépaysées : de l'argent liquide avec ma gourde de randonnée remplie d'eau.
Toujours personne. Je me relève, met mon sac à dos sur mon dos et porte le pochon en plastique contenant le reste des pièces. C’est si lourd que j'abrège ma promenade dominicale et rentre chez moi dans un petit logement deux pièces que je partage avec Pascal mon futur ex qui travaille aujourd’hui. Je le surnomme ainsi car je suis bien décidée à le quitter bientôt. Notre appartement donne sur une avenue habituellement bruyante mais si calme en ce début d’après-midi. Je m’installe dans mon canapé pour réfléchir. Que vais-je faire de cet argent ? Je n'ai pas envie le garder. Je suis trop honnête et je m’en veux déjà de l’avoir ramassé.
Soudain une idée farfelue me vient, elle me fait même sourire. Je me dirige vers la fenêtre du séjour, l’ouvre en grand. Je me penche pour regarder le trottoir de l’avenue en dessous, je regarde à droite, à gauche. Il n’y a personne. J’attrape mon sac à dos, l’ouvre retire le bidon d'eau, me penche par dessus la rambarde et le retourne. Les pièces tombent sur le trottoir en faisant un bruit métallique. Je ferme la fenêtre, Je me dirige vers la chambre avec le sac plastique et le renverse aussi sur le trottoir. Je prends une photo des pièces qui jonchent le trottoir. Je referme la fenêtre et, dissimulée derrière le rideau je vais maintenant pouvoir observer discrètement la réaction des passants quand ils vont découvrir tout cet argent. Je vais bien m’amuser cet après-midi. Je les prendrai en photo à leur insu pour les publier sur mon blog pour les scènes de rue chez COVIX. Quand Pascal rentrera du travail ce soir et qu’il me demandera comme il le fait à chaque fois, plus par habitude que par réel intérêt pour ma personne, ce que j’ai fait aujourd’hui, je lui répondrai : J’ai jeté l’argent par les fenêtres ce qu’il me reproche en permanence. Pour une fois ce sera vrai !
En fin d’après-midi Pascal en rentrant de son travail est passé devant le tas de pièces que personne n'avait encore ramassé. Les gens passaient, marchaient sur les pièces, parfois en en ramassant quelques unes et les mettaient discrètement dans leurs poches, Un Monsieur s'est couché sur les pièces et a fait un selfie. Un autre a ramassé plusieurs poignées de pièces et les a lancées en l'air. Pascal a paru surpris en voyant toutes ses pièces mais s'est dirigé très rapidement vers la porte de notre immeuble en souriant et sifflotant. Quand il est rentré dans l'appartement Il ne m’a rien demandé mais c’est écrié . Devine ce que j'ai fait aujourd'hui. Je ne sais pas lui ai-je répondu. Je suis allé voir mon Directeur et je lui ai donné ma démission. Mais chéri tu es fou me suis-je écriée on a déjà plein de dettes. Ne t'inquiète pas mon amour, plus jamais nous n'aurons à travailler. Nous sommes riches Je suis le grand gagnant du tirage du Millionnaire d’hier, à nous la vie de château. Il a dû me montrer son ticket et les chiffres du tirage gagnant pour que je puisse le croire. Il a rajouté en souriant. et tu sais en plus sous nos fenêtres en rentrant j'ai trouvé des milliers de pièces de 2 pences sur le trottoir qui ont du comme la pluie tomber du ciel ! Donnes mois un sac, je vais aller les ramasser. Je lui ai tendu le pochon plastique et il a dévalé les escaliers. Je J'ai vu par la fenêtre ramasser les pièces qui restaient. Il est remonté, a déposé le sac sur la table. Il m'a regardé en souriant. Si je n'avais pas confiance en toi je dirais que j'ai une chance de cocu. J'ai ri car il ne savait pas à quel point il avait raison. Mais je ne le tromperai plus et je vais quitter mon amant pour partir avec lui sous les tropiques. J'aurais tellement d'argent que je pourrais le jeter par les fenêtres en dépensant sans compter et sans gêne.
Martine / Mai 2017 pour le défi 187 des croqueurs de mots animé par Florence