Le vacher et son boeuf (défi 71 de Ghislaine)
Publié le 28 Septembre 2018
Jean le vacher est fier aujourd’hui d’emmener son bœuf préféré parader à la fête de l’agriculture de son canton. C’est une belle bête robuste qu’il a surnommé « Dyson » car c’est un gourmand qui ingurgite très vite et à loisir tous les fourrages de l’étable. Il fait très chaud aujourd’hui et pour éviter que le soleil tape très fort sur son crâne dégarni, il s’est confectionné un couvre-chef avec une chute de tissu.
Jean est toujours souriant mais aujourd’hui particulièrement : Signe qu’il est joyeux de retrouver les autres paysans ses amis et de défiler devant le public.
Il ne vendra pas Dyson comme ses autres bœufs, il l’aime trop pour s’en séparer et surtout le voir finir aux abattoirs. Il est si affectueux. C’est la première fois dans sa vie d’éleveur qu’il s’attache ainsi à une de ses bêtes. Même s’il n’est pas à vendre, il aime se montrer à ses côtés.
Son rêve serait de l’emmener à Paris au Salon de l’Agriculture pour que Dyson puisse être vu par des milliers d’enfants. Il n’a pas les moyens. Il faudrait que tel Fatah le petit paysan algérien du film « La vache » qui a traversé la France avec sa vache Jacqueline, il parte à pieds avec son bœuf. Mais chacun sait que dans les fictions, qu’elles soient comédie ou mélodrame, on peut tout imaginer et que la réalité est une version bien différente et même parfois contraire.
Dyson, imperturbable, est comme chaque jour perdu dans ses pensées avec ce regard à la fois insistant et vide qu’ont les bovins curieux de tout. Il parade aux côté de Jean en toute confiance. Même s’il n’aime pas trop défiler ainsi à cause du joug de trait qui alourdit sa tête. Il sait que Jean va l’atteler à une charrue qu’il va devoir tirer pour montrer à une assistance nombreuse comment se faisaient les labours autrefois. C’est fatigant mais Il supporte son sort sans se plaindre.
Ce n’est pas sa première fête de l’agriculture et il sait qu’il n’est là que pour le spectacle et qu’il reviendra à l’étable contrairement à ses frères qu’il a vu partir pour ne jamais revenir. Il ne connaîtra pas le Terrible sort des animaux de boucherie. D’ailleurs il est certainement désormais trop vieux, trop gras pour être vendu pour sa viande. Il a du mal à avancer, il aimerait être aussi mince que son amie la grenouille de la mare de son champ qui aimerait tant être plus grosse que lui mais il ne fera rien pour y arriver car il a appris avec l’âge que dans la vie il fallait se contenter de son sort sous peine de ressembler à quelqu’un de plus malheureux que soi.
Martine / Septembre 2018 pour le défi 71 de Ghislaine (Les 8 mots imposés sont en gras dans le texte)