Un petit signe en langage des cygnes
Publié le 6 Novembre 2017
Pierre sait que pour lui aujourd'hui, comme le dit si bien Marcel Pagnol dans le Spountz, « les difficultés commencent : c’est le signe de la réussite ». Il vient de prendre pendant cette nuit d'Halloween de se lancer un défi délicat qu'il allait réussir.
Malgré qu’il ait peu dormi, il se lève ce matin joyeux. Il déjeune rapidement de quelques muffins accompagné d’un grand bol de thé en écoutant distraitement les mauvaises nouvelles du Monde à la radio qui aujourd’hui ne l’atteignent pas. Il se douche. Il ne portera pas son jogging habituel mais choisit dans son dressing un jean, un pull blanc en cachemire et un blouson gris en laine tout juste sorti du pressing sur lequel rutile l’insigne des pompiers. Il aurait aimé être pompier mais avec son handicap il n'a pas osé se présenter de peur d'être rejeté . Il s’habille, attrape son sac à dos et y glisse un cahier après y avoir écrit quelques mots. Il sort de chez lui, presse le pas et se dirige vers les étangs. Le trajet lui semble plus long que d’habitude. Une pensée l’obsède et l’angoisse : Sera-t-elle là au rendez-vous qu’il ne lui a pas fixé?
Enfin apparaît Le miroir d’eau rutilant sur lequel se reflète l’azur moutonneux du ciel et l’or pourpré des feuillages d’automne. Il tourne son regard sur la droite : la demoiselle est bien là comme chaque matin assise sur son banc à regarder les cygnes glisser sur l’étang. Les caprices d’Éole font virevolter sa longue et soyeuse chevelure d’ébène.
D’habitude il se contente de la regarder furtivement en faisant son jogging matinal et en rêvant qu’un jour il osera dépasser sa timidité et son d'assurance pour s’assoir à côté d’elle sur ce banc, la regarder et communiquer avec elle à sa façon très particulière. Il sort son cahier de son sac, se dirige vers le banc et s’assoit doucement à ses côtés. Surprise et quelque peu apeurée, elle tourne son regard vers lui. Comme elle est belle cette jeune chinoise avec ses yeux noirs en amande et sa peau couleur miel.
Il lui présente son cahier ouvert sur la première page. Étonnée elle lit les quelques mots écrits : « Bonjour mademoiselle je m’appelle Paul, n’ayez pas peur, je ne peux vous parler, je suis muet mais je ne suis pas sourd et peut vous entendre. Quel est votre prénom ? »
- Je m’appelle Shing répond-t’elle .
Paul se saisit de son stylo et écrit : C’est un joli prénom qui vous va bien : La charmante Shing qui aime les cygnes.
- Vous êtes muet mais poète. Cela doit être difficile et long d’écrire et cela vous empêche peut-être de tout exprimer.
Paul écrit : C'est une chance qui me force à être concis et à privilégier l’écoute de mes amis et comme écrivait Kipling dans la lumière qui s’éteint « À quoi bon avoir un ami, s'il faut lui faire signe pour qu'il regarde et tout lui dire pour qu'il comprenne".
- Je n'ai pas lu ce roman mais comme c'est vrai Paul
Paul écrit : "Regardez Shing un couple d’oiseaux blanc nous adresse un signe en langage des cygnes"
Shin tourne son regard vers l’étang et vit les deux cygnes former un cœur avec leurs cous graciles, c'est beau !
Elle se retourne vers Paul qui la regarde en souriant. Il forme un cœur avec ses deux pouces et index réunis et écrit sur son cahier "cela veut dire je t'aime". S'il te plait Shing fais-moi ce petit signe en langage des cygnes
Shing à son tour l’imita et forma un cœur avec ses mains
Paul rougit lui prit la main et lui dit :
- Mer...mer.. ci, je, je je t’ai..t’ai ..me...me. Shin..shing..
et quand il s'aperçut avec effroi qu'il avait parlé, il écrivit sur son cahier "je ne suis pas muet mais bègue, je préfère écrire, je n'ose pas parler de peur qu'on se moque"
Shin sourit, lui prit la main et lui murmura à l'oreille
- Je préfère que tu parles Paul même en bégayant, tu es charmant !
Martine / Novembre 2017 pour le défi 194 des croqueurs de mots animé par Lénaïg