Coucher dehors sans billet de logement

Publié le 12 Décembre 2016

Pour les Les expressions de décembre chez CLARA, j'ai  modifié un texte que j'avais écrit il y a quelques années pour y inclure les expressions en gras dans le texte

Photo PIXABAY

Photo PIXABAY

Je vis face à la mairie d’un ancien village au cœur d’une grande ville. Depuis que je suis ici, j’aime regarder à travers les vitres sans rideaux  les gens passer indifférents devant moi.

Parfois il arrive que quelqu’un s’arrête et franchisse le seuil. J’écoute alors mes visiteurs raconter leur vie mais c’est comme s’ils ne s’adressaient pas vraiment à moi mais qu’ils parlaient à quelqu’un d’autre juste pour le plaisir de parler. Cela ne me gêne pas, bien au contraire, je peux ainsi mieux les écouter parler de leur vie.  Ils ont tous un besoin de partager les bonnes nouvelles comme les mauvaises. Certains parlent d’amour avec des mots tendres pour l’aimé absent mais si présent. Ils en ont parfois gros sur la patate et  les mots d’amour font parfois place aux mots de haine si violents.  Certains parlent tout simplement de leur quotidien, du temps qu’il fait,  des tracasseries administratives, ou professionnelles.  J’ai appris ainsi en les écoutant à comprendre l’âme humaine et la vie avec ses joies et ses douleurs. Je suis un peu comme un psychanalyste qui se contente d’écouter les gens couchés sur son divan, à absorber telle une éponge leur vie juste pour leur permettre de parler et d’échanger. Je suis utile, c’est ma fierté.

Un jour un homme au grand cœur coiffé comme un as de pique est rentré chez moi. Il s’appelait Juste CLOCHARD. C'était juste un SDF.  L’expression dirait un nom à coucher dehors avec billet de logement. Mais lui, hélas, n’avait pas de billet de logement. Il m’a émue et je lui en ai donné un en l'invitant à squatter chez moi .  Il avait trouvé ainsi un abri bienveillant pour le protéger des frimas de l’hiver,  je me sentais moins seule même s’il dormait la plupart du temps et éructait parfois quelques paroles incompréhensibles. N’ayant pas d’odorat cela ne m’aurait pas gêné s’il n’avait pas empêché mes autres visiteurs de venir. Sa présence les éloignait et ils avaient dû trouver une autre oreille attentive pour les écouter.

Un jour mon ami SDF a disparu.  Mes visiteurs sont revenus rapidement.  Ayant manqué certains épisodes de leur vie, J’ai eu du mal à comprendre les changements brutaux. Parfois Les larmes avaient remplacé les rires. Le bonheur serait-il éphémère ? Peut-être mais le malheur aussi pouvait l’être car parfois les rires avaient remplacé les larmes.

Petit à petit mes visiteurs se sont fait rares, je ne comprenais pas pourquoi.  Je vieillissais, peut être que mon écoute était moins bonne, peut- être  avaient-ils moins besoin de communiquer.

Un jour un orage violent s’est abattu sur le village, un Monsieur a franchi le seuil de chez moi pour s’abriter de la pluie. Il a sorti de sa poche un petit boîtier noir avec un écran et s’est mis à lui parler et alors j’ai compris que j’étais à la retraite.

Martine / Réédition d'un texte transformé pour les expressions du mois chez Clara

N.B.. : J'ai écrit ce texte à la mémoire d'Yves SDF de Cergy, qui s'abritait dans la cabine téléphonique du village et qui est décédé dans la rue. Il est enterré au cimetière de Cergy Village dans une dernière demeure décente. En effet la mairie de la ville a trouvé, après sa mort, les coordonnées de sa famille qui l'avait perdu de vue depuis plusieurs années et le recherchait !! Dommage qu'on n'ait pas cherché à retrouver sa famille avant !

Rédigé par Martine.

Publié dans #Citations

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M
Mais c'est horrible la retraite vue comme ça! Mince alors, j'espère que tu plaisantes!!!
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G
Une photo très réaliste qui montre bien l'état de bien des gens ! Ton texte d'accompagnement est super... J'aime beaucoup ton article! Cordiales amitiés & à +
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C
C'est excellent, Martine ! Un texte émouvant ! Bonne poursuite de ce jour ! Bisous♥
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L
Ah tu m'as eue, chère Martine... Je n'ai compris qu'à la fin ! Bien amené... :) ! Mais triste NB ... On n'y pense jamais assez, hélas ! <br /> Bisous et merci
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J
Superbe texte Martine qui intègre parfaitement les expressions et qui donne beaucoup à réfléchir sur l'humanité .<br /> Bonne soirée <br /> Bisous
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N
Joli texte émouvant, surtout ta dernière histoire. Je pense à "eux", car il y en a de plus en plus et au 21 siècle c'est vraiment désolant de ne pas avoir de toit. Gros bisous, Martine et bel après-midi
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M
Maman disait souvent cette expression du billet de logement, ces phrases on les emploie souvent sans s'en rendre compte finalement, j'aime aussi "partir à la cloche de bois "... C'est moche les gens qui disparaissent sans laisser d'adresse, triste pour la famille, souvent les parents les cherchent mais les gendarmes répondent " il est adulte et à le droit de vivre sa vie sans rendre de compte" c'est un peu gros pour moi, j'ai connu deux personnes ainsi... On peut tout imaginer...
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E
ton texte est magnifique et les citations bien intégrées par contre j'avoue que ton NB ....Me laisse pantoise !<br /> à croire qu'un corps mort est plus encombrant qu'un corps vivant ....triste ...très triste<br /> bisous
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A
Je ne suis pas douée, je n'ai compris où il s'abritait qu'à la fin du texte.<br /> Bisous et bonne journée
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L
ho oui dommage !! le pauvre n'a pas retrouvé sa famille-<br /> au moins il a un toit ! c'est malheureux d'en arriver là-<br /> un bel hommage-
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S
Il n'est pas donné à tout le monde de savoir écouter!
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É
Bonjour Martine. Ton texte est émouvant et bien écrit. Bonne journée
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R
Beau texte
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W
Bonjour<br /> Très émouvant ton texte!<br /> C'est souvent le cas malheureusement, qu'on se mette à faire des recherche une fois que les gens ne sont plus là alors que leur famille les recherche depuis longtemps!<br /> Bisous
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J
Quel joli texte Martine. et ton NB me fait froid dans le dos. Oui quel dommage mais la famille aurait-elle assumé ? Les trajectoires chaotiques et toutes singulières des clochards (pardon je préfèrent des vrais noms à des lettres qui ne sont guère mieux que des numéros) sont souvent bien difficiles pour les anciens proches et il faut beaucoup de courage aussi pour oublier ou du moins pour surmonter le passé. Bises et belle semaine
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D
Beau texte pour parler de la misère humaine... terrible la fin de l'histoire!<br /> Bises et belle semaine<br /> Dany
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Q
Ton texte est très émouvant.<br /> C'est vrai que c'est dommage qu'ils n'aient pas essayé de trouver sa famille avant.<br /> Parfois, ce sont les SDF qui ont rompu et ne souhaitent pas renouer avec elles.<br /> Merci en tout cas pour cette page qui fait réfléchir.<br /> Passe une douce journée Martine.
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Z
Un texte émouvant Martine à la mémoire de ce SDF. Bravo ! Malheureusement il y en a tant comme cela. Pendant un hiver particulièrement froid et enneigé, 2010, j'en ai hébergé un, qui trainait sur nos route de campagne. Juste une soirée à la maison qui lui ai permis de prendre un bon bain. Je lui ai donné des vêtements plus décents que le poux ronchon ne portait plus, offert un repas constant et un lit. Le lendemain, je l'ai accompagné sur Rennes dans un centre d’accueil. Bises et bon début de semaine.
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A
l'administration a beaucoup de ratés hélas, il suffit juste d'une petite négligence pour changer parfois le cours des choses et plonger les gens dans la misère alors que certains sont hyper protégés malgré toutes magouilles qu'ils peuvent faire<br /> merci pour cette piqûre de rappel
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C
C'est une histoire émouvante et bien ancrée dans la réalité ! j'ai entendu que prés de 400 sans-abris étaient morts dans la rue cette année et hier soir, j'ai regardé la 6 sur le mal logement. Prés de 4 millions de français sont mal logés, un scandale.<br /> Les expressions se sont parfaitement intégrées dans ce joli texte. Merci infiniment de ta participation.<br /> Je suis toujours un peu en dents de scie sur les blogs.<br /> Bises bien amicales.
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S
Pas très gai ce matin, comme un lundi, n'est-ce pas ? Bonne journée.
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J
Triste page... On ne sait pas tjs ce qui amène à vivre dans la rue, même pas la famille.... merci, bises
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D
c'est un très beau texte, poignant , tu as raison c'est dommage que personne n'ait recherché sa famille, mais est-ce que Yves en avait envie? <br /> Bonne journée, bises<br /> danièle
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