Brèves de comptoir

Publié le 18 Novembre 2013

 

 

  • Ma vieille copine, toujours sans occupation ?

 

  • Oui ma petite le grand vide, l’impression d’être inutile. Comment peux-tu comprendre,  toi qui est toujours occupée.  J’aimerais t’expliquer.

 

  • Fais donc.

 

  • J’aimais échanger avec ceux qui s’asseyaient, se confiaient. J’écoutais en me faisant oublier, j’en ai reçu des confidences joyeuses, émouvantes, tristes, drôles….. Certains gardaient le silence, ils semblaient attendre je ne sais quoi, je ne sais qui pour se confier.  Puis ils repartaient plus tristes qu’ils étaient arrivés sans  me saluer, sans se retourner moi qui avaient attendu avec eux et supporté leur poids de solitude. C’était lourd à porter seule. Parfois je n’en pouvais plus de supporter toutes leurs  confidences, leur considération sur la vie quotidiene, leur travail, leurs amis, leurs familles, leurs joies, leurs peines, leurs peurs. Ils me stressaient, m’usaient lentement sans que je m'en rende compte.

 

  • Je suis très étonnée, Tu semblais si  dévouée, toujours présente, discrète, silencieuse… la préférée du patron qui  t’avait réservé une place au zénith, au soleil alors que beaucoup de nos collègues travaillaient à l’ombre sans aucune reconnaissance….

 

  • Tu as raison. C’est  ce qui m’a perdue.  J’étais choisie par la plupart des clients. Après  avoir obtenu la meilleure place, que pouvais-je espérer de plus, de mieux….  J’étais  fatiguée, plus terne, moins rutilante. Les clients ont commencé à me délaisser, préférer mes collègues plus jeunes,  plus modernes comme toi . Le patron m’a remisée, placardisée, à  l’écart de l’activité.

 

  • Je le reconnais mais sais-tu pourquoi ne s’est-il pas séparé de toi ?

 

  • Je fais partie des meubles, il s’est attaché à moi et peut être que je pourrais encore servir un peu…. C’est ce que j’ose croire, ce qui me permet de supporter cette mise à l’écart… Peut-être que..

 

  • Arrête d’espérer,  il va bientôt se séparer de toi  comme il se séparera de moi et de toutes nos collègues

 

  • Pourquoi ? je ne te  crois pas, tu es si jeune, belle, pleine d’avenir…..

 

  • le patron va bientôt déposer le bilan, c’est difficile depuis que les entreprises et commerces alentours ont fermé, que le marché a été remplacé par une grande surface ….

 

  • Pour moi ce sera une délivrance mais je suis triste pour toi…

 

  • Ne sois pas triste.  Ma vie a changé depuis que la crise sévit.  Les  gens sont plus tristes, plus silencieux, certains expriment leur colère, leur angoisse violemment. L’autre jour un ouvrier, qui avait noyé dans l’alcool sa douleur d’avoir perdu son travail,  m’a saisie et m’a jetée  à terre en criant très fort qu’il allait se retrouver sur la paille. Puis il s’est excusé, m’a ramassée, m’a regardée. Comme il a vu que j’étais sortie indemne, il  s’est rassis tranquillement comme si rien ne s’était passé et sans se rendre compte qu’il venait de s’assoir sur la paille, celle de mon assise ce qui m’a bien fait rire.

 

  • Tu as du avoir peur mais j’imagine ta surprise quand il t’a entendu éclater de rire...

 

C’est alors que toutes les tables du café « chez Emile » ne se mirent pas à tourner non mais à parler, à crier :

 

  • « Vos gueules les chaises »  Nous en avons assez d’être tables, nous voudrions être chaises comme vous

 

  • Pourquoi ? répondirent les chaises étonnées

 

  •  Nous en avons assez d’avoir le cul entre deux chaises  alors si en plus vous vous mettez à parler et que nous sommes obligées d’entendre vos jérémiades,  Nous  démissionnons et le patron Emile Sanchez se passera de table.

 

Martine / Novembre 2013

Pour le défi N° 111 des croqueurs de mots

 

 

 

Brèves de comptoir

Rédigé par Martine.

Publié dans #Ecrits divers

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Z
Tout dépend de qui va s'asseoir sur elles... à la place des chaises, je me méfierai........ je ne laisserai pas ma place et pour cause !, j'en connais au moins un qui a le don de les casser ! <br /> Promis, j'essayerai de venir plus souvent ici !<br /> Bisous
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T
j'ai bien aimé...même si j'avais vu qu'un coup se préparait ah ah ah <br /> besos<br /> tilk
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T
salut<br /> on a eu une apparition du soleil aujourd'hui <br /> bonne journée
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G
Jean Carmet aurait aimé
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S
Bravo Martine, C'est bien mené, et à double sens. Bises
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C
Une belle idée et une jolie écriture. Merci Eglantine ! GRizhous
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T
Salut<br /> Que de vérités soulevées dans cette discussion entre chaises<br /> bonne journée
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S
on comprend ceux qui se révoltent<br /> tout un chacun subit ceux qui les emploient<br /> la vie est comme un manège<br /> c'est une belle réalité professionnelle que tu décris<br /> je te souhaite une très belle fin de journée et une belle semaine<br /> bisous du lundi
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M
Et oui les chaises aussi vont subir la crise mais pour elles cela risque d'être définitif !<br /> Bonne soirée<br /> Monelle
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F
il n'y a plus qu'à faire parler les tables maintenant
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A
Bonjour ma chère chaise paillée.<br /> Pas mal du tout ton histoire, au début je croyais que c'était les serveuses.<br /> Bisous et bonne journée
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J
Bonjour MArtine ! bravo pour tes lignes qui expriment bien avec humour la situation actuelle ! merci et à bientôt ! bises bon lundi excellente semaine .
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Q
Excellent !!!<br /> Tu sais que tu es incroyable ? Au début de ma lecture je n'avais pas du tout pensé à des chaises et au défi des croqueurs de mots.<br /> <br /> Génial !<br /> <br /> Bisous et douce journée.
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L
C'est bien écrit<br /> A bientôt
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brève de comptoir...mais vais-je en trouver un ...... comptoir .... rare par ici ...??? <br /> non je ne plaisante pas.... bonne journée Martine
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M
youpie j'ai trouvé ..pauvres chaises elles en voit de toutes les couleurs <br /> .bonne journée martine
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P
Une approche réaliste et émouvante ... il en est ainsi de bien des lieux au déclin annoncé, chaises et tables garderont la mémoire des rencontres et des partages conviviaux .<br /> J'aime beaucoup !<br /> Bisous Martine, Plume .
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I
Ah extra!!! je dois dire que lorsque je suis arrivée au bout de l'article je suis remontée pour mieux apprécier! j'ai bien aussi apprécier ton commentaire sur mes potins! tu as l'art des mots! j'adore! gros bisous<br /> Dany
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L
se glisser comme cela et écouter oui on entend mieux qaund on écoute<br /> a très bientôt<br /> lyly
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E
Brèves de comptoir ...j'aime beaucoup cette approche plein de vérités, <br /> merci pour la participation...c'est très agréable la lecture ce matin, un vrai bonheur :-)
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J
Eh oui la crise qui passe par là et... plus de petits commerces de proximité... la grande surface pas le bonheur de tous... autres temps autres réalités, pauvres petites va qui ont bien travaillés.... au soleil ou à l'ombre.... Bon lundi Martine
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A
Bien vu tout cela, du coup je me demande s'il vaut mieux être chaise ou table, moi le torchon qui les ait toujours envié !!!!!!!
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J
tu as bien su te glisser dans la peau d'une chaise de bar. Beaucoup de choses évoquées dans ce texte. bravo
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