Robocat
Publié le 9 Février 2015
ROBOCAT
Je ne sais pas comment je suis arrivé ici, peut être que j’ai voulu poursuivre le renard blanc dont il ne reste plus que la fourrure qui ira comme un gant à la l’adolescente bobo qui l’achètera. Je suis prisonnier ici, comme un chien dans un jeu de quilles, dans cette vitrine bling bling.
Pour le moment, personne ne vient la lécher. Heureusement car je redoute que quelqu’un pousse la porte de la boutique et demande à la vendeuse « combien ce petit chat noir dans la vitrine ». J’espère que mon prix de 305 euros, exorbitant pour un pur greffier de gouttière au pelage bien noir et ras, repoussera toute velléité d’achat d’une gosse de riche qui voudrait, pour compenser un manque d’affection, une peluche vivante ronronnant d’amour à caresser à loisir.
Avec la malchance qui ne me quitte pas, je pourrais, avec mon poil couleur ébène, mes yeux en amande, ma maigreur et mon nom stupide de Robocat, séduire une adolescente Gothic et anorexique qui ne voit la vie qu’en noir. Alors adieu ma liberté, mes virées sur les toits de Paris la nuit, et mes bagarres avec mes congénères pour les beaux yeux dorés d’une chatte.
Il faut que je me sauve d’ici mais c’est impossible pour le moment, c’est la nuit, la boutique est fermée, il fait un froid glacial. J’ai faim. Il n’y a rien à manger dans cette vitrine à part le champignon, une amanite tue-mouches. Prudent J’hésite, elle ne tue que les mouches c’est bien connu comme moi d’ailleurs qui adore l’été les gober. J’en grignote un morceau…. Infect mais cela calmera ma faim. Je regagne le haut de ma vitrine.
Soudain il me vient une idée. Je saute discrètement sous l’étagère du dessous et je me faufile pour me cacher sous un drôle de pingouin en laine. Non seulement on ne me voit plus mais il me tient chaud. Qui voudrait avoir l’air d’un pingouin en posant ce bonnet sur sa tête à part moi ? Rassuré je m’endors en boule en ronronnant de plaisir.
Je suis réveillé, on effleure ma patte. J’ouvre les yeux. Un clignotement rouge perce l’obscurité. Un être étrange m’a rejoint dans ma cachette. Il me fixe avec son regard inexpressif en me disant d’une voix métallique : « Bonjour, je suis un petit robot venu de la lune. Je suis comme toi prisonnier ici. J’ai froid. Puis-je m’installer à tes côtés". Avant que je ne réponde, il se couche collé sur mon ventre pour réchauffer son corps d’acier. J’entends son cœur qui bat très vite. Sa présence me rassure, je ne suis plus tout seul. J’entoure mes pattes autour de son corps pour le réchauffer. Soudain il dépose un baiser sur mon museau pour me remercier de mon hospitalité. Je lui passe ma langue rugueuse sur sa face ce qui le fait rire. "Demain matin quand la terrienne ouvrira sa boutique nous partirons ensemble, veux-tu venir avec moi sur la Lune ?" me demande-t-il.
La lune je la vois tous les soirs au-dessus des toits briller dans le ciel. Je n’y suis jamais allé, j’ai essayé quand j’étais tout jeune de sauter pour attraper ce gros ballon lumineux mais je n’y suis jamais arrivé. Je vais enfin y parvenir. J’accepte avec plaisir son invitation et nous décidons de dormir en attendant demain. Je somnole collé à mon nouvel ami sous la protection d’un drôle de pingouin. Je crois entendre l'animal rire et se moquer de notre idylle en marmonnant "chat alors, Robocat est amoureux d'un robot". Je crois bien qu'il a raison, je m’endors heureux.
Martine / Février 2015
pour le défi 138 des croqueurs de mots animé par Lilou Soleil qui nous demandait d'écrire un texte sur la photo ci-dessus