Un grain de riz malsain (2)
Publié le 4 Septembre 2009
Le dimanche précédant l'opération Laurence notre fille vient nous rendre visite. Je ne lui ai encore rien dit pour
ne pas l'inquiéter et je lui annonce que je vais me faire opérer du sein. Laurence est gastro-entérologue-hépatologue dans un hôpital parisien. Elle me demande ma radio, je lui montre et elle me
dit rassurée que les fausses images radiologiques existent et que peut être qu'il n'y a rien du tout et que s'il y a tumeur, elle est infime. Elle me recommande de surtout pas me faire opérer
avant d'avoir consulté un autre radiologue sénologue. L'opération étant programmée, ne supportant pas l'idée que ce grain de riz puisse grandir encore en attendant d'avoir un autre
rendez-vous, je décide de passer outre son conseil.
L'avant-veille de l'opération, je me rends à l'hôpital pour rencontrer l'anesthésiste. Il regarde mes radios et après examen médical approfondi, il me déclare apte à être opérée.... Ouf. En sortant, je surprends la conversation de l'anesthésiste avec un assistant à qui il dit « Je me demande comment va faire le chirurgien pour situer ce qui est à enlever, je leur souhaite bien du courage. Je me rappelle soudain ce que m'a dit ma fille mais cette idée s'évacue rapidement, demain je rentre à l'hôpital et après demain plus de grain de riz, juste un mauvais souvenir.
Le lendemain soir, je rentre à l'hôpital. Je partage ma chambre avec une femme à qui on vient de retirer l'utérus
complet. Ceci me permet de relativiser. Il fait très chaud : 35 °, les chambres ne sont pas climatisées, c'est d'autant plus insupportable que je ne dois rien avaler pas même de l'eau. Je ne
dors pas de la nuit car ma campagne de chambre souffre énormément. J'essaye de la réconforter en lui parlant doucement. J'appelle une fois l'infirmière qui lui administre un calmant. La nuit
passe difficilement, l'angoisse montre. Vais-je autant souffrir demain après l'opération.
Enfin le jour se lève, j'attends patiemment qu'on vienne me chercher. Le brancardier arrive en fin de matinée vers
11 heures, j'ai faim, j'ai soif. Il est temps que cela finisse. Je pense qu'il m'achemine au bloc opératoire, et bien non. Uniquement au service radiologie pour une radio qui permettra de situer
la tumeur avant l'opération.
Je n'imaginais pas que ce grand hôpital pouvait avoir en sous-sol un réseau impressionnant de sous-terrains avec de longues artères sombre que les brancardiers dévalent à toute vitesse en se croisant. Il ne manquerait plus que nous ayons un accident de brancard !
Nous ressortons enfin à la lumière et le brancardier me laisse devant le service radiologie dans un couloir de
l'hôpital. Il y a d'autres patients parfois perfusés de partout qui attendent sur des brancards. Les patients de ville passent devant nous pour pénétrer dans la salle d'attente. Ils détournent le
regard gêné comme si éviter de nous regarder pouvait les éloigner de la maladie. L'attente est interminable.
Enfin on me fait rentrer dans la vaste salle de radiologie. Je descends du brancard. On m'écrase de nouveau le
sein droite dans tous les sens. Le radiologue examine ensuite ses clichés longuement devant moi. Il les repose sur mon bureau et me dit « je ne vois rien, il n'y a rien ». Néanmoins je
vais tout de même faire une échographie pour vérifier. Je m'allonge sur le lit et de nouveau le gel gluant et froid sur les seins au passage de l'appareil. Il examine l'écran longuement puis me
dit. Bonne nouvelle, vous pouvez rentrer chez vous, il n'y a rien du tout, c'était une fausse image radiologique. il n'y aura pas d'opération, je préviens le bloc. Je pense aussitôt à ma fille
qui va bien se moquer de moi quand je vais lui raconter.
Le brancardier vient me chercher, nous dévalons de nouveau les sous-terrains à toutes vitesse et me voila de
nouveau dans ma chambre. Aussitôt arrivée je demande de l'eau et à manger. On me répond que ce n'est pas possible puisque je n'ai pas encore été opérée. Surréaliste ! Apparemment l'information
n'est pas passée auprès des infirmières. Je leur explique, je leur demande d'appeler la radiologie ou le bloc pour vérifier. Elles le font et m'apportent aussitôt un plateau repas et une
bouteille d'eau.
J'appelle mon Jeff pour le rassurer et lui demander de venir me chercher vite. J'explique à ma compagne de chambre
qui va mieux ce qui m'est arrivé. Elle me dit que j'ai beaucoup de chance et que pour elle c'est le contraire. Elle se faisait suivre régulièrement, elle avait fait des échographies et ils
n'avaient rien vu !! Je culpabilise alors d'être en bonne santé et cela fait baisser en moi la colère qui me gagne, colère contre le premier radiologue, contre le chirurgien, contre moi
même. Je fais ma valise rapidement et m'habille.
Jeff arrive. Nous allons dire au revoir aux infirmières très agréables. L'infirmière chef me dit que je ne peux
pas partir sans que le chirurgien soit passé me voir et ait signé mon bon de sortie. Je demande à le voir tout de suite. Ce n'est pas possible me dit elle, il est au bloc. Il passera en
début d'après midi. A 15 heures, il n'est toujours pas là. L'infirmière me demande encore un peu de patience. 15H30, personne. Je vais voir l'infirmière et je me dis que je me moque du bon
de sortie du chirurgien qui m'a fait hospitaliser pour rien, que je suis libre de mes actes et que je m'en vais. Je suis prête à signer une décharge puisque n'ayant rien, je ne risque rien. Je me
dirige vers ma chambre pour saluer une dernière fois ma compagne de chambre.
Nous ressortons dans le couloir et je vois le chirurgien qui se dirige vers nous. Curieux tout de même qu'il arrive ainsi. Il semble gêné. Il ne s'excuse même pas et me dit vous savez nous préférons être prudents quitte à opérer pour rien plutôt que de ne pas retirer des tumeurs cancéreuses. Sachant que c'est cette raison qui m'a décidé à me faire opérer, je comprends son argument même si l'on peut penser qu'ils ont aussi des intérêts financiers à opérer. Je lui dis que je ne lui en veux aucunement mais je demande à ce qu'il me donne mon dossier médical avec mes radios et les différents comptes-rendus. Il refuse en me disant que le dossier n'est pas à moi et qu'il appartient à l'hôpital. Je lui rappelle la loi que chacun a le droit à son dossier médical. Il me dit qu'il va me rendre ma radio initiale mais qu'il me donnera pas les radios de l'hôpital.
C'est totalement illégal et j'explose alors en lui disant que je ferai une lettre recommandée au Directeur de
l'hôpital pour le mettre en demeure de me les rendre. Il me tend le dossier sans les radios de l'hôpital. Je l'attrape et nous nous levons avec Jeff et prenons congé. Souhaitant oublier, je n'ai
pas fait cette lettre.
Je n'oublierai jamais de toutes façons car aujourd'hui, même si ce grain de riz n'est pas dans mon sein, il est
toujours dans ma tête et je crains qu'il réapparaisse. Rassurez vous je me fais contrôler régulièrement.
Puisse mon histoire servir de leçon.