L'elfe chance
Publié le 19 Novembre 2021
J’ouvre la boîte aux lettres ce soir en me demandant ce qu’elle peut bien contenir d’agréable et qu'elle n’est pas ma surprise d’y trouver un colis. Il doit y avoir une erreur, je n’ai rien commandé, mais c’est bien mon nom et mon adresse qui figurent sur l’étiquette d’expédition. Je ne reconnais pas l’écriture et il n’y a pas les coordonnées de l’expéditeur. J’ouvre avec fougue la boîte du colis postal. À l’intérieur un paquet cadeau revêtu d’un papier qui affiche des cœurs roses sur fond argenté. Je dénoue le ruban avec précaution. Soudain, je m’arrête brutalement. Est-ce prudent d’ouvrir ? Qui peut m’offrir un cadeau enrobé de cœurs ? Le colis est un peu lourd. Peut-être contient-il une bombe ? Je ris aussitôt de cette pensée stupide, j’ai trop lu de romans policiers. Une fois le papier retiré, j’ouvre le carton. Il est rempli de billes de polystyrène que je m’empresse de retirer jusqu’à découvrir un objet tout en longueur emballé de film plastique bulle que je retire avec précaution.
Une splendide lampe en verre bleu turquoise irisé. Elle est superbe. Qui peut bien connaître aussi bien mes goûts ? Je caresse le galbe de son pied et de son abat-jour en verre, Contact un peu froid, mais si plaisant. Je l’installe avec précaution sur une commode de mon salon, la branche et l’allume. Une chaude lueur argentée en surgit soudain qui gagne en intensité, moment magique de joie. Soudain, cette lumière traverse l’abat-jour en verre. Je suis effrayée, la lampe est en train de prendre feu…. L’idée de la bombe resurgit, je devrais m’écarter, mais je reste subjuguée ne pouvant détourner mes yeux de ce spectacle. De la hampe incandescente surgit soudain une sorte d’elfe bleu qui monte, disparaît un instant dans les volutes de fumée pour surgir de nouveau en volant au-dessus de moi laissant dans son sillage une douce lumière bleutée. Soudain, ce génie céleste atterrit sur le fauteuil en face de moi et s’installe tranquillement. Il me regarde longuement. Je n’arrive à prononcer aucun mot tant je suis subjuguée par cette vision surnaturelle et à la fois effrayée de ce face-à-face. Je le regarde aussi, ses yeux, remplis de bienveillance, me rassurent et m’incitent à prononcer quelques mots d’une voix tremblante ?
— Bonjour ! Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ?
— Je suis l’elfe chance, je viens de l’astre de feu Soleil porter le bonheur à des élus dont tu fais partie.
— Pourquoi moi ? Qu’ai-je donc fait pour faire partie de cette élite
— Je ne sais pas, je n’ai pas choisi, c’est la muse hasard qui m’a inspirée et guidé vers toi, mais existe-t-elle vraiment cette muse ?
— Avons-nous besoin d’un tel privilège ? Votre présence sera notre cadeau. Quel bonheur venez-vous apporter à vos élus ?
— En ce qui te concerne, je ne sais pas encore, c’est toi qui vas me le dire. Je vais te demander de m’exprimer trois vœux et ils seront exaucés.
— J’aurais préféré que vous vous fiiez à votre muse hasard et que vous m’apportiez trois bonheurs inattendus, j’ai toujours aimé les surprises.
— Comment pourrais-je savoir à l’avance ce qui va faire ton bonheur ? Je ne te connais pas. Seuls ceux qui ont ce privilège peuvent savoir et encore te connaissent-ils vraiment ?
— Vous avez raison elfe chance, chacun a sa propre définition du bonheur.
— Alors dis-moi trois choses qui te manquent pour être heureuse et je te les donnerai.
— Vous êtes mal tombé, je ne crois pas au bonheur avec un « B » majuscule à cet état de grâce durable, mais je crois tout simplement à toutes ses petites joies sensitives, affectives qui font le bonheur de l’instant et qui évitent de ressasser le passé et de se projeter dans le futur.
— Mais tu as bien des envies, des espoirs.
— Non aucun : ne pas avoir d’espoir m’évite d’être déçue et me permet d’être heureuse quand quelque chose d’agréable et d’inattendu arrive. Désolée, je ne vois pas quels vœux je pourrais faire pour moi. Si je fais des vœux pour les autres, il me sera impossible de choisir trois personnes parmi tous les gens malheureux que je côtoie. Qui recherche l’amour, qui la santé, qui l’argent et parfois les trois.
— Allez réfléchis bien, avant que je parte.
— Je ne sais pas, je ne crois ni à la chance, ni au hasard…. Je ne joue d’ailleurs jamais au loto.
— Effectivement, tu ne peux pas gagner si tu ne joues pas, mais si tu jouais, tu pourrais gagner.
— C’est vrai, mais je n’aime pas perdre, voir mes espoirs déçus.
— Allez réfléchis bien….
— Un long silence s’établit entre nous. Je regarde l’elfe chance, j’aime son regard doux et intelligent qui me rappelle quelqu’un, mais qui vraiment ? Peut-être que je pourrais lui demander ! Non, je préfère ne pas savoir, car s’il ne réussissait pas, je serais si malheureuse et puis Soudain, j’ai une envie impulsive de l’étreindre et de l’embrasser… Je romps le silence :
— Elfe Chance ; mon unique vœu : je souhaite que vous restiez ici, auprès de moi-même et ma famille. Votre présence sera notre cadeau chaque jour. Je ne demande rien d’autre.
— C’est impossible, je dois continuer ma mission d’apporter le bonheur à d’autres humains. Fais-moi trois vœux, allez, je t’écoute !
— Premier vœu : avant que vous ne me quittiez, je voudrais vous serrer dans mes bras. Second vœu, je souhaiterais vous embrasser et pour terminer : si vous me laissiez cette jolie lampe en souvenir de vous.
— Personne ne m’a jamais fait des vœux aussi simples, mais puisque c’est ta volonté !
L’elfe chance s’extirpe de son fauteuil, je me lève aussi. Poussés l’un vers l’autre nous nous étreignons longuement et soudain il m’embrasse affectueusement. Il relâche soudain son étreinte et s’envole en agitant la main pour me dire adieu. Il disparaît soudain à travers le plafond.
Seul souvenir de sa présence la lampe bleue qui diffuse une douce lumière d’azur dans la pièce.
La tristesse fait place à quelques instants de bonheur intense, mais n’est-ce pas la vie ?
Je saisis sur la table la caisse de la lampe, la vide complètement de ses billes de polystyrène. Au fond du carton, il y a une enveloppe du même bleu que la lampe, je l’ouvre fiévreusement. Quel message a pu me laisser l’elfe bleu, je saisis la carte : 3 mots me sautent aux yeux : « Joyeux Noël, petite sœur ».
Je me précipite à la fenêtre, peut-être que je pourrais apercevoir l’elfe bleu, lui faire un signe pour qu’il revienne et là, dans la nuit étoilée, un message est écrit en fumée blanche :
« Nul n’est plus chanceux que celui qui croit à la chance. ».
Ce n’était qu’un rêve, la sonnerie stridente de mon réveil me sort de ce doux songe.
Martine Martin pour LE NID DE MOTS d’ABC (thème : écrire un texte comportant la phrase suivante : "Votre présence sera notre cadeau"
P.S. : à lire après avoir lu le texte :
"Un seul être vous manque et tout est dépeuplé " Lamartine.
Plusieurs êtres me manquent terriblement :
Si je devais faire des vœux aujourd'hui, ce serait de voir mon frère décédé à la naissance au paradis, revoir ma grand-mère qui l’a rejoint et notre fils qui nous boude depuis onze ans (ainsi que mes trois petits-fils), pouvoir les étreindre et les embrasser.