La radio me sort d'un rêve dont je me souviens plus. Je ne m'en souviens rarement.
J'ouvre péniblement les yeux. 3 chiffres rouges lumineux au plafond m'indiquent qu'il est 4 H00. Je me lève.
Réglisse mon chat noir, qui ne quitte pas ses chaussettes blanches pour dormir, ne se lève pas comme tous les matins et me jette un regard contrarié. Ce n'est pas son heure. Ce
n'est pas la mienne non plus.
Je me dirige vers la cuisine, ouvre la porte du réfrigérateur, sort une barquette de pâtée de luxe et l'émiette délicatement dans une assiette. Réglisse n'a pas d'heure pour manger,
il se précipite dans la cuisine et se met à dévorer avec appétit. Comment peut il à une heure aussi matinale engloutir aussi vite ce repas.
Je prends une douche rapide. Pas le temps aujourd'hui de m'attarder sous le jet d'eau chaude, de rêvasser et de penser à la journée qui m'attend. Malgré le dicton « en
avril ne te découvre pas d'un fil » J'ai décidé de m'habiller légèrement : pantalon de lin gris et tunique de voile à manche courte. Le temps est printanier depuis
quelques jours. Je délaisse le manteau et pour la première fois de la saison j'enfile un imper noir avec beaucoup de plaisir.
Je sors de chez moi et me dirige vers la gare. Il a plu cette nuit. L'air est doux et chargé d'humidité..
Arrivée à la gare RER, je descends L'escalator et j'ai l'agréable surprise de voir
que, malgré l'heure très matinale, je ne suis pas seule.
Je monte dans le train qui se remplit peu à peu. En majorité des ouvriers qui se pressent vers leur usine ou leur chantier où ils vont pendant d'interminables heures, 40 ans durant,
répéter les mêmes gestes. Certains somnolent et terminent leur nuit. A quoi peuvent-ils rêver. ?
Après 45 minutes de trajet, j'arrive Gare de Lyon. Le TGV est déjà à quai.
Je rejoins ma place, Des voyageurs confortablement installés pianotent déjà sur leur PC portable..
Le passage en quelques minutes du premier RER au premier TGV me rappelle brutalement l'existence de deux mondes que tout sépare. A vrai dire je me sentais mieux dans le RER, j'ai
l'impression de ne pas être à ma place dans ce wagon de première. Issue du monde ouvrier je me dis qu'après avoir tout fait pour en sortir, il est paradoxal de ne pas se sentir bien dans
cet univers des affaires et de ne pas se sentir à sa place non plus dans le monde ouvrier. Pourtant je côtoie tous les jours des ouvriers dans leur recherche d'emploi. Je crains,
j'espère que je me trompe, qu'ils me considèrent comme une nantie que le chômage fait vivre.
Le TGV s'élance vers le sud. Le prenant souvent je trouve qu'il roule beaucoup
moins vite que d'habitude ; Effectivement le conducteur nous informe soudain qu'en raison de problèmes techniques d'un train nous précédant, nous avons pris du retard.
J'essaye de positiver et de m'intéresser au paysage que j'ai le temps pour une fois de contempler. A Monceau les
Mines, je me dis, que mine de rien, les minutes de retard s'amoncellent.
Je me dirige vers le bar en milieu de rame. Encore une fois je vais compenser mon stress en mangeant. La queue au bar est impressionnante. Le barman s'énerve lui aussi : plus de
monnaie, plus de croissants.... Pour tuer le temps, les passagers se sont gavés de vienoiseries. Rassurant, Je ne suis pas la seule à devenir boulimique quand je suis énervée.
Après avoir bu un café, Je regagne ma place.
Dans le ciel du sud bien gris se découpe soudain les deux réacteurs de la centrale de Tricastin. A chaque fois que je passe à cet endroit, je ne peux m'empêcher de penser à
Viviane et son mari José qui nous ont si
agréablement reçus un soir d'été dans leur jolie maison de la Drôme des collines.
Arrivés en gare d'Avignon, je me dis que je m'arrêterai bien là pour faire un petit tour sur le pont pour admirer le palais des papes à défaut d'y chanter et d'y danser mais
arrêtons de rêver.
J'appelle mon client pour l'avertir de mon retard estimé à 45 minutes si tout va bien, il ne manquerait plus qu'on pète un caténaire. Il reste très zen... J'aime la bonhomie des gens du
sud qui savent rester imperturbables en toute situation..."Aujourd'hui peut être, peut être demain chantait Sardou" ..... Il y a 15 personnes dont tous les représentants du personnel
qui attendent mon intervention, il me rassure : ne vous inquiétez pas » , il attendront me dit il ! Le pire c'est que je ne sais pas trop pourquoi je me déplace car je
n'ai pas grand-chose à leur dire depuis le mois dernier.... Mais c'est important que je sois la et que je rassure par ma présence les élus....
J'espère que je vais les rassurer et qu'ils ne vont pas me séquestrer..... Je doute trop de moi et j'écoute trop les médias qui nous polluent.
Enfin après 4 heures de voyage, j'arrive à Aix. La gare TGV est un véritable camp retranché et est Truffée de CRS
qui dévisagent chaque voyageur.....
Je me précipite vers la file de taxi. Il fait très froid et je m'engouffre dans une voiture noire..... Ne me
demandez pas la marque, je ne sais jamais les reconnaître et n'essaye même pas. Nous sortons de la gare, je suis étonnée du nombre de CRS au Kilomètre carré le long des routes et à tous les
ronds-points. Le chauffeur m'explique que Nicolas SARKOSY est en déplacement dans la région.
Je vais souvent à Aix. Je peux vous assurer que les chauffeurs de taxi y roulent très vite et bien aujourd'hui nous nous trainons vers une des nombreuses zones industrielles.
Voyant mon retard s'accentuer, je piaffe d'impatience. Pour me calmer, j'entame la conversation avec le chauffeur sur la pluie et le beau temps. Je luis dis qu' il fait très gris
aujourd'hui a Aix et beaucoup plus froid qu'à Paris ce matin. Il me répond qu'il ne pleut pas. J'ai envie de lui répondre qu'à Paris non plus mais je m'abstiens. Je ne vais pas
reproduire la querelle entre supporters de l'OM et du PSG même si nous sommes tout près du stade vélodrome et entourés de CRS.
Me voici arrivée au siège de l'entreprise. Mon client vient me chercher et je rentre dans l'arène. Je pensais
qu'ils seraient tous énervés et bien non ils m'accueillent avec un grand sourire. Le DRH m'offre un café. Je passe ma présentation en commentant les chiffres, les camemberts et
graphiques de mon power-point...... Ils semblent satisfaits et me disent que les résultats sont là.... C'est-à-dire que l'objectif de départs volontaires de l'entreprise a été dépassé et
que cela diminuera d'autant le nombre de licenciements secs. Ils me remercient chaleureusement sans s'émouvoir du nombre impressionnant de formations longues par rapport aux contrats de
travail signés.
Au bout de 45 minutes de réunion, le DRH conclue la réunion. Me sentant en pays conquis, J'ose demander si la prochaine fois au lieu de me déplacer, nous ne pourrions pas faire
une téléconférence.et on me dit que c'est une excellente suggestion.
Je quitte l'entreprise et je vais maintenant refaire le chemin dans l'autre sens jusqu'à Paris. J'appelle un taxi j'arrive en gare TGV D'aix à 12h05. Je peux prendre le TGV de 12H13 mais
je décide de rester à aix pour me détendre un peu en mangeant un vrai repas au buffet de la gare. Détente, pas tout à fait, j'en profite pour lire mes mails et y répondre.
En mangeant mon entrecôte frites bien ordinaire, je pense à Sarkozy qui doit être entrain de déguster un repas gastronoique dans un grand restaurant entourés d'élus locaux qui en
profiteront pour lui demander quelques faveurs.
Je prends mon TGV comme prévu à 13H43. Trois heures vont passer vite et pour une fois je serais chez moi à 18 heures. Enfin je vais pouvoir en arrivant m'asseoir dans mon fauteuil,
échanger avec mon jeff, caresser à loisir mon Réglisse qui n'en reviendra pas et même prendre le luxe de regarder des programmes sans intérêt à la télévision.
C'était ignorer que la plupart du temps quand je prends un train, un avion, il arrive toujours quelque chose. Si je suis sur la liste des passagers ce n'est pas bon signe. Le mois
dernier en allant à Aix, le TGV a roulé sur un obstacle sur la voie.... Il y a eu un bruit énorme sous le TGV, des étincelles de métal on jailli sur les côtés, j'ai cru qu'on allait
dérailler. Le TGV a perdu une partie de sa carrosserie ce qui a engendré un retard important.
Mais revenons à aujourd'hui. Peu de temps après Avignon, le TGV s'arrête soudain et le conducteur nous dit qu'en raison d'un accident passager en gare du Creusot notre TGV va être dérouté
et empruntera une voie normale ce qui va occasionner un retard important ......
Et la débute notre remontée du pays en TPV (toute petite vitesse) .....Souvent il s'arrête quelques minutes puis repart lentement .... Nous traversons Dijon....La moutarde
commence à me monter au nez. Dijon ville dans laquelle je me déplace de temps en temps pour mon travail chez un client désagréable harceleur de fournisseurs..... Je chasse cette idée
de la tête ..... et je me mets à calculer....Il est 16H30, l'heure à laquelle nous aurions dû être arrivés..... Dijon / Paris en TGV c'est presque 2 heures alors à vitesse normale combien
de temps, peut être 3 heures...Un vrai problème d'école mais il me manque des données à mon équation : la vitesse du TGV quand il roule réellement à grande vitesse et la
vitesse du tortillard qu'il est devenu.
Mes compagnons d'infortune commencent à s'impatienter et appeler pour annuler leurs rendez-vous prévus ce soir, qui professionnels, qui plus intimes.
Ensuite nous traversons Alésia.... Pourvu que le train ne stoppe pas ici et que nous soyons pris au piège comme les gaulois l'ont été autrefois il y a très très longtemps.....
Montbard...... des campagnes verdoyantes où coulent des rivières.
J'appelle mon Jeff pour lui dire que je suis quelque part en France je ne sais où entre Dijon et Paris .
Je pense à mon blog "quai des rimes" que je délaisse depuis quelques temps ... Je suis dans le train et je rêve d'être à quai alors pour tuer le temps je décide de débarquer quelques
mots sur mon quai en écrivant l'histoire de cette journée .
Nous arrivons enfin à Paris Gare de Lyon après 5H30 de voyage.....
Je prends le RER qui me ramène sans encombre, ni retard sur Cergy. il est 20H30.
Au total 9H30 passés dans un TGV, plus une heure 1/2 de RER pour 45 minutes de réunion !!
Nous dînons et je me couche aussitôt le repas fini, car demain..... mais demain est un autre jour....
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