Les hommes de ma vie (1) / Le voyeur
Publié le 29 Mai 2009
En commentaires de mon billet « un amour de CB » vous avez été nombreux à me demander de continuer à raconter ma vie. Je suis contente que vous ayez aimé. Je vais donc continuer aujourd'hui avec d'autant plus de plaisir que je n'ai pas trop envie en ce moment d'écrire des poèmes. Je vais vous la raconter par épisodes pas forcément dans le bon ordre. Peut être un jour, quand je serai à la retraite je rassemblerai le tout pour en faire un récit.
Je vais commencer par vous parler des « hommes de ma vie » et oui j'en ai eu plusieurs et il y a de quoi en faire un roman. Les hommes de ma vie ce sont mes patrons.
J'ai arrêté l'école très tôt au B.E.P.C. pour des raisons que je vous raconterai peut être un jour si j'en ai le courage. J'avais un désir fou d'autonomie mais pour cela je devais avoir un métier. Alors j'ai opté pour un BEP de sténodactylographe en 2 ans dans un collège d'Asnières. Je l'ai eu facilement sans effort et j'ai pu ainsi me mettre à rechercher du travail.
A l'époque on en trouvait facilement et je suis rentrée très vite au Service du Personnel dans une grande
entreprise de transports routiers et rail qui existe toujours. Le Chef du personnel avait une cinquantaine d'années, il était gros et rougeaud. Il n'avait rien d'attirant. Je détestais son regard
malsain déshabilleur qui me mettait mal à l'aise.
Un jour je suis venue travailler en pantalon. Je l'ai croisé dans le couloir, il m'a toisé et m'a dit : « Il est interdit aux femmes de venir travailler en pantalon ». Très surprise par cette remarque, je lui ai demandé pourquoi. Il m'a tout simplement répondu « parce que j'aime voir les jambes de mes secrétaires».
Il avait une secrétaire en chef un peu plus jeune, Melle Delorme, à qui il déléguait tout. Je me souviens encore
de son nom que j'ai changé ici. C'était une vieille fille grande et mince avec un regard d'une grande douceur. C'était elle réellement qui dirigeait le service. Je l'aimais bien et je pense
que c'était réciproque. Mes collègues de travail beaucoup plus âgées que moi disaient d'elles que seul le train sur le quai de chargement ne lui était pas passé dessus.
Je les trouvais méchantes et jalouses. Je découvrais la vie d'entreprise avec toutes ses vicissitudes et aussi la vie ouvrière difficile. Melle Delorme m'avait associée à son travail. Je recevais les candidats qui postulaient pour des postes de manutentionnaire pour les embaucher, en grande majorité des travailleurs immigrés qui pour beaucoup ne savaient pas lire. Je devais vérifier qu'ils savaient lire et leur montrer une carte de France en leur demandant de me situer Paris, Lyon , Marseille....Important pour le chargement des camions de savoir lire et d'avoir une idée des destinations. J'étais aussi parfois chargée de donner des acomptes aux salariés qui n'avaient plus assez d'argent pour finir le mois. Je les écoutais raconter leurs difficultés. Très émotive parfois j'avais les larmes aux yeux mais je me retenais. Une fois un monsieur est venu, il pleurait, il m'a dit qu'il venait de perdre son enfant. J'ai cru à sa douleur et peu de temps après la police nous a informés qu'il avait été arrêté parce que cet enfant était mort de malnutritions et mauvais traitements.
Ce n'était pas moi qui décidais de donner ou de ne pas donner les acomptes, c'était le chef du personnel qui transmettait sa réponse à Melle Delorme qui me la transmettait et j'étais chargée de communiquer la réponse au salarié. Il m'était très difficile de dire non...
J'ai eu des représailles. Je venais travailler en mobylette, une jolie « caddie » bleue turquoise et un soir quand je l'ai reprise elle avait été en partie démontée.
J'ai démissionné aussitôt et j'ai retrouvé un travail rapidement.
A suivre......