Publié le 14 Février 2015
Je suis facteur. En semaine j’aime parcourir à vélo ma verte campagne normande, m’arrêter à chaque maison ou ferme, échanger avec les agriculteurs, les commerçants. Je m’attarde chez les personnes âgées pour rompre quelques instant leur solitude, je leur rends parfois quelques services. Je connais tout le monde et tout le monde me connait. Certains sont heureux de me voir, je leur apporte des nouvelles de proches, l’annonce d’un heureux évènement. Pour d’autres je suis synonyme de factures, de relances, de lettre d’huissier mais ils continuent à m’accueillir avec chaleur
Je hais les dimanches. L’ennui me gagne. Je suis célibataire, je n’ai pas encore trouvé la femme idéale mais existe-t-elle ? N’allant pas à la messe, je ne vois presque personne ce jour-là. Je m’efforce de sortir et de passer au café du village pour discuter avec le patron et les habitués, toujours les mêmes. Nous noyons notre ennui en jouant à la belote et en buvant un verre. Mais aujourd’hui n’est pas un dimanche comme les autres, c’est la foire agricole dans une petite ville voisine. Chaque année c’est pour moi un plaisir d’aller dans cette ferme géante en plein air, d’admirer les chevaux et les bovins et goûter aux produits de notre terroir.
Je me précipite donc dès l’ouverture dans l’espace des bovins, chez les éleveurs de vaches laitières normandes. Je suis chauvin, ce sont mes préférées et mes amies que et peux observer lors de mes tournées dans la campagne normande. Un éleveur est en train de préparer une de ses vaches, Valentine, pour le concours agricole qui aura lieu en fin de matinée. Elle est superbe avec sa robe luisante noire comme l’ébène, ses pattes blanches et son pis énorme gonflé comme une baudruche. C’est plus fort que moi lorsque je vois des animaux, j’ai envie de les toucher. Je demande à l’éleveur que je connais si je peux la caresser. Il pose la brosse avec laquelle il la frottait vigoureusement me sourit et accepte. J'effleure lentement le flanc droite de la vache. Son pelage est très doux. Elle tourne la tête et me regarde fixement avec ce regard à la fois insistant et vide qu’ont les vaches curieuses de tout.